L’effet CAQuiste sur la division du vote

Ce texte a été publié dans Métro Montréal le 7 août 2012

Jean Charest peut bien se rassurer sur l’effet avantageux de division du vote qu’engendrera la popularité de la CAQ lors de l’élection générale du 4 septembre. Comme il l’affirmait quelques mois auparavant, la Coalition Avenir Québec cannibaliserait les électeurs traditionnels du Parti Québécois, permettant aux libéraux, à son avis, de devancer les candidats du PQ dans plusieurs circonscriptions.

Néanmoins, les faits parlent autrement.

Tout d’abord les sondages montrent un phénomène inversement proportionnel : lorsque la CAQ perd des appuis dans la population, autant le PQ que le Parti libéral du Québec en profitent dans les intentions de votes.

Par ailleurs, le Parti libéral du Québec et la formation de François Legault sont au diapason sur plusieurs thématiques : tous deux sont à l’écoute du monde des affaires avec un penchant antisyndicaliste – la plupart de leurs candidats sont des notables ou des gens d’affaires – ; ils prônent le statu quo en matière constitutionnelle – malgré la prétention de Jean Charest de décrire la CAQ comme un parti souverainiste – ; et finalement, autant la CAQ que le PLQ sont d’accord sur la hausse marquée des droits de scolarité ainsi que sur l’application de la loi 78.

Sans compter que la CAQ attaque directement, avec les candidatures de Jacques Duchesneau et de Gaétan Barrette, les axes politiques constituant le talon d’Achille du parti au pouvoir, c’est-à-dire la lutte à la corruption et la santé, deux domaines où les libéraux ont échoué.

En santé plus particulièrement, les électeurs plus âgés, traditionnellement favorables au PLQ dans le passé, seront fortement tentés, cette fois-ci, de choisir la CAQ afin de s’assurer de services médicaux rapides dans l’avenir…

En somme, plusieurs électeurs libéraux déçus de l’administration de Jean Charest pourraient porter leur voix sur le parti de François Legault, plus spécialement dans la région de Québec où la lutte à deux se fera sans le PQ.

Avant de suggérer une division du vote favorable au PLQ, monsieur Charest, il faut considérer ces éléments…

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La prochaine grande rupture sociétale : capital ne rime pas avec social

On la sent dans l’air. Elle est palpable. La grande rupture sociétale arrive.

Bientôt, les sociétés occidentales seront au prise avec un dilemme incontournable: maintenir le balancement des finances publiques ou respecter leurs engagements en services publics ainsi qu’en protection sociale.

En raison de la diminution des rentrées fiscales des États conséquente à la crise et surtout des plans d’aide économique ayant pompé les deniers publics à la hauteur de milliers de milliards, les gouvernements de part et d’autres sont de plus en plus acculés à la banqueroute.

On le voit déjà : le ratio endettement public/produit intérieur brut (PIB) atteint des proportions inquiétantes dans plusieurs pays développés.

En fait, selon l’OCDE, les 30 nations les plus économiquement avancées connaitront une hausse pouvant atteindre 100% de leur PIB en 2010, ce qui signifie un doublement du fardeau des dettes publiques en deux décennies. De plus, de 2007 à 2010, la période correspondant au sommet actuel de la crise économique, le gonflement de celles-ci aurait atteint 45% (source).

Un danger plus que réel, comme le souligne Cinzia Alcidi, du Centre for European Policy Studies : « Une dette à 100 % du PIB signifie que tout ce qui a été produit pendant un an devrait être consacré au remboursement. Les gouvernements sont-ils en situation de le faire?  »

Certains États sont désormais au bord de la faillite : l’Islande, l’Irlande, l’Espagne et surtout la Grèce. Un effet domino pourrait bien entrainer plus de pays dans cette spirale infernale.

En considération de ces faits troublants, quelle est la suite?

Comment aligner les impératifs budgétaires des États avec les besoins sociaux et communautaires des populations de ces États? La solution paraît hors de portée avec la timide reprise économique que l’on connaît.

Dans le passé, c’est-a-dire après la deuxième guerre mondiale, les énormes dettes contractées à la suite de la grande dépression des années 30 et des frais militaires dus à l’effort de guerre ont été remboursés lors de la période de prospérité appelée les « Trente Glorieuses ». À cette époque, la reconstruction de l’Europe avec le plan Marshall a permis de dévier l’immense potentiel industriel des États-Unis développé pendant la guerre vers la consommation de masse.

Mais, en 2011, alors que les dettes publiques éclatent encore une fois, aucune période de forte croissance ne pointe à l’horizon. Bien au contraire. Le système semble sclérosé et même la Chine commence à s’étouffer avec son inflation galopante et son secteur immobilier au bord d’un dégonflement.

Par ailleurs, on ne doit plus compter sur la croissance du PIB pour réduire le poids des dettes publiques comme dans les années 40 à 70 du siècle dernier. Le fort ralentissement économique amenant une cadence moindre de la progression du PIB n’est pas à l’avantage des États tout comme une possible déflation ne serait pas positive pour tous les débiteurs de la planète car cela contribuera à alourdir la pesanteur des dettes au delà de leur valeur nominale.

Le point de rupture va bientôt être atteint et des choix difficiles et paradoxaux se présenteront.

Les gouvernements occidentaux auront tendance à couper sauvagement dans les dépenses et les services sociaux comme cela se passe actuellement en Grèce. Mais, en agissant de la sorte, ils entraineront l’éclosion d’une grogne populaire de la part de leurs électeurs habitués à une qualité de vie adéquate et à un certain niveau de services publics. Il faut aussi mettre en perspective que le vieillissement de la population fera accroitre la demande pour plus d’investissement public en soins de santé et que les hausses de demandes d’assistance au chômage résultantes de la crise actuelle plomberont encore plus l’’équilibre budgétaire des États.

Bref, ça va brasser (et ça brasse déjà comme on a pu voir dernièrement en Grèce), et seul un rétablissement d’un équilibre entre les forces économiques privées et la sphère du domaine public peut désamorcer une situation plus qu’explosive socialement.

C’est d’ailleurs ce que tente de mettre en marche le nouveau président américain, Barack Obama, en essayant de rehausser l’imposition et la taxation sur les hauts revenus et les grandes compagnies en dépit de la forte opposition républicaine qui ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Le président essaie tout bien que mal d’initier un nouveau mouvement en politique fiscale en incitant les autres nations industrialisées à faire de même.

Le plus ironique ainsi qu’hypocrite est que ce sont les républicains qui multiplièrent la dette publique américaine depuis Reagan et qu’ils montent les premiers aux barricades lorsque le présent président démocrate tente de redresser la situation en dénichant de nouveaux revenus chez les classes très aisées ayant profité le plus des règnes républicains.

Les prochaines années seront déterminantes pour l’économie mondiale. Les défenseurs d’un marché libre dépourvu de toute entrave ou de toute ingérence étatique ne pourront plus se mettre la tête sous le sable.

La grande rupture sociétale entre les pouvoirs économiques transnationaux et les aspirations concrètes des populations humaines est à notre porte.

Peut-être comprendront-ils et comprendrons-nous enfin que capital ne rime pas avec social.

Budget Charest/Bachand 2010 : tout sauf courageux

Que de culot de la part du ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, de proclamer que son budget lourd en déficiences marquera l’Histoire à l’image des initiatives prises lors de la Révolution tranquille.

On ne peut voir aucune similitude avec cette période charnière du Québec moderne dans laquelle on instaura les bases d’un système public digne d’un pays moderne. Il est même de mise d’affirmer que ce budget va à contre-sens de la pensée de la Révolution tranquille.  De la sorte, on surcharge encore plus en tarifs la classe moyenne et l’on promet de couper prochainement dans les services afin d’équilibrer les finances publiques.

Si la Révolution tranquille avait pour but de servir le québécois et de l’enrichir collectivement, cette « révolution culturelle » de Bachand a pour objectif de léser le québécois et de l’appauvrir individuellement.

Ce qui marque ce budget, c’est son caractère régressif.

Une taxe ou franchise sur la santé, une hausse de la taxe de vente (TVQ), une augmentation des frais de service comme sur l’électricité ou une majoration des droits en éducation ne sont que de diverses mesures touchant plus grandement le niveau de vie de la classe moyenne que les couches les plus opulentes.

Les projections qui établissent qu’en 2013 une famille gagnant 100 000$ par année verra sa participation aux coffres de l’État montée de 1 267$ tandis qu’une autre famille générant 60 000$ déboursera 1 044$ sont complètement erronées.  Le fardeau sera le même pour tous, indépendamment des revenus, et même si les plus nantis paieront plus de TVQ sur les produits de luxe qu’ils achètent, il suffirait qu’ils modifient subséquemment leurs comportements pour annuler les prémisses de ces projections.

Ce soi-disant budget courageux, comme le qualifie Jean Charest, ne peut être affublé ainsi.   Ce n’est pas un budget empreint de courage.  Il s’agit plutôt d’une manœuvre teintée de lâcheté.

Le vrai courage politique, c’est de cesser de faire payer les travailleurs moyens.

Le vrai courage politique, c’est d’extirper l’argent là d’où il se cache au-lieu de voler une classe moyenne déjà étouffée par la crise économique, les hypothèques à grand capital et les forts prix du carburant fossile.

Le vrai courage politique réside dans l’implantation de paliers d’imposition supplémentaires sur les revenus de ceux enregistrant 76 770$ et plus par année.

Le vrai courage politique trouve sa source dans une taxation majorée des compagnies présentes sur le territoire du Québec connaissant le plus bas taux d’imposition des entreprises en Amérique du Nord.

Le vrai courage politique se caractérise par la fixation d’une redevance adéquate appliquée sur l’exploitation de nos ressources naturelles par des intérêts privés et mercantiles.

En définitive, le vrai courage politique, pour le Parti Libéral du Québec, serait de mettre de coté les directives occultes de ses contributeurs électoraux issus du monde des affaires et des lobbys de droite et de rechercher, pour une fois, le bien-être de ses électeurs qu’ils l’ont mis au pouvoir.

À lire:

Les libéraux cherchent à vendre leur salade au prix de la vérité

Le Québec n’est pas dans le rouge

Corruption libérale

Le vol de la dette publique

L’IEDM ou la désinformation en santé

Comme pour changer, l’Institut Économique de Montréal plaide encore pour les services médicaux privés.

Une récente soi-disante étude (par l’économiste Julie Frappier) de ce think tank de droite préconise que l’État aurait avantage à favoriser le temps supplémentaire au privé des infirmières à son emploi parce que cela contribuerait à résoudre la pénurie de main-d’œuvre en santé.

Cela atténuerait le manque de personnel, mais pour qui?  Il semble évident qu’une migration accrue des infirmières publiques vers le privé, même seulement pour le surtemps, n’avantagera pas le secteur public déjà en crise de ressources humaines.

Le plus inconséquent dans tout ça est que les infirmières du réseau étatique effectuent déjà des heures supplémentaires nombreuses, souvent obligatoires en raison des services essentiels, et qu’on suggère ici au gouvernement de relaxer cette politique afin de fournir des travailleuses à la santé privé au risque d’aggraver la situation dans le public.

Serait-ce une stratégie pour miner encore plus le système public en faisant croire que la suggestion de cette étude de l’IEDM serait au bénéfice de tous les patients québécois?

Il ne s’agit que de pure désinformation qui essai de nous faire prendre des vessies pour des lanternes et visant à implanter le privé en santé de façon générale au détriment des plus démunis.

Cuba trouve un vaccin contre le cancer du poumon

Des chercheurs du Centre d’immunologie moléculaire de La Havane ont conçu un vaccin luttant contre le cancer du poumon et promettent qu’il sera bientôt offert sur le marché mondial.  Un long processus d’essais et de recherches s’étalant sur 15 années et qui porte maintenant ses fruits.

Elle est bien bonne celle-là.  Un système de santé public a pu faire une percée scientifique remarquable dans un domaine dans lequel les richissimes hôpitaux américains et centres privés de recherche médicale ont échoué.

Une véritable prouesse pour un pays soumis à un blocus américain depuis 50 ans et ne possédant que des moyens limités.  Cuba n’a pas seulement le meilleur système de santé au monde, mais aussi des universités publiques de premier ordre où le savoir est utilisé à bon escient et dans un but altruiste contrairement à celles des États-unis où la gloire personnelle et l’argent sont valorisés.

Inefficace la santé publique?  Cela devrait clouer le bec aux partisans de la privatisation en santé.

Prendre en otage les enfants

Les chirurgiens-dentistes ne manquent pas d’aplomb.  Ils menaçaient de charger plein tarifs aux enfants de moins de dix ans et aux assistés sociaux pour leurs services.

Cette semaine, après un ultimatum de 30 jours envers le gouvernement, 70% des dentistes se sont désaffiliés de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) car ils considèrent que leur rétribution moyenne (estimée de leur part) de 10$ par intervention après déduction de tous les coûts d’opération est insuffisante.

En riposte, le ministre de la santé, Philippe Couillard, a menacé d’imposer un décret fixant les tarifs actuels à ceux de 2003 si une entente n’intervenait pas avant le 4 avril. 

Le président de l’Association des Chirurgiens Dentistes du Québec, Serge Langlois, juge qu’il est inapproprié de la part de l’État de demander aux dentistes d’assurer les coûts d’un système public.

Cependant, ces spécialistes devraient tenir compte d’autres facteurs.  Le ministère de l’éducation finance en grande partie les études supérieures par le biais des impôts que paient justement les parents des enfants que l’on menace.  Partout, en Amérique du Nord, les coûts d’études en chirurgie dentaire sont beaucoup plus dispendieux, mais les dentistes ignorent cet avantage dont ils ont bénéficié et devraient au contraire remercier les québécois en procédant à des consultations à moindres tarifs pour les personnes les plus vulnérables de la société. Sans compter que ces clients ne constituent qu’un dixième de toute leur clientèle.

S’il y a une attitude irresponsable et égoïste dans cette histoire, c’est bien celle des chirurgiens-dentistes.  Avec un salaire moyen dépassant 120 000$ par année, et même souvent plus, ces derniers ne sont pas à plaindre. Afin d’accroître leurs pécules, ils sont maintenant prêts à opérer un odieux chantage sans considération des besoins d’une population qui a permis l’obtention de leurs diplômes à moindre frais.

Le clan Dumont s’excite pour le rapport Castonguay sur la santé

Le chef de l’Action Démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont, a encensé les conclusions de Claude Castonguay devant une foule de gens d’affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de l’est de l’île de Montréal applaudissant la nouvelle manne de profits que pourrait rapporter l’application des solutions de ce rapport.

On aurait pu croire que le citoyen moyen serait enjoué à la suite de la publication de ce document, mais c’est chez les entrepreneurs attirés comme des vautours vers le domaine de la santé que l’on retrouve le plus d’approbation.

Dans le cercle des parvenus du clan Dumont, on approuve l’approche du rapport, sauf, évidemment, en ce qui concerne la hausse de la taxe de vente qui va à l’encontre de la droite économique à la sauce conservatrice de l’ADQ qui a en horreur toute taxation de l’État.

Mario Dumont acquiesce à la proposition d’une franchise, un ticket modérateur camouflé, qui fixe finalement un prix aux soins de santé.  Vous avez mal quelque part, mais votre situation financière est un peu précaire dans les temps qui courent?  Alors vous vous direz : cela peut attendre.  Mais si votre douleur a pour origine un cancer ou une autre affection grave, la maladie progressera et coûtera finalement plus chère à vous (la mort?) et à la société.

Même si on donnait la possibilité aux médecins de pratiquer à la fois dans le public et le privé, monsieur Dumont nit qu’un drainage vers le privé des infirmières ou des techniciens spécialisés s’opérera avec la progression de la prépondérance de la santé commerciale.  Mais sur quels faits se réfère-t-il lorsqu’on sait que c’est justement les manques de personnel de ces catégories d’employés qui freinent l’accessibilité?  Comment l’avènement d’un système parallèle privé dans le cadre proposé peut aider à résorber ce déficit particulier de main-d’œuvre? C’est mathématiquement impossible, voilà tout.

Les riches amis de Dumont sont prêts à payer plus pour passer plus vite dans le privé au lieu d’attendre leur tour dans les listes d’attente. Ce serait une injustice flagrante. On devrait respecter un minimum d’équité et d’éthique sociale en imposant les hauts salariés avec un impôt spécial sur la santé. Après tout, ils clament qu’ils ont les moyens de débourser plus contrairement à l’ensemble du reste de la société. Alors qu’ils allongent les dollars afin de soutenir le système public et les rentrées monétaires subséquentes permettront la résolution des longs délais des listes d’attente et tout le monde y gagnera en accédant plus rapidement aux services de santé publics.  

En fait, pas de passe droit pour les nantis lorsqu’il est démontré que les personnes pauvres sont plus malades que les richissimes citoyens. La justice sociale en santé est un droit inaliénable au Québec et se veut non négociable. Que l’on s’en souvienne…

À l’attaque de la forteresse de la santé publique

Cette semaine, l’élan de la privatisation a pris sa vitesse de croisière et les cliniques privées viennent de s’introduire dans le régime de santé public.

L’entreprise commerciale Rockland MD a effectué les premières interventions chirurgicales déléguées par un hôpital public (Sacré-Coeur) et le ministre Couillard se félicite de la tournure des événements en promettant que cela se reproduira encore plus dans l’avenir.

Le plus incompréhensible est que ces services privés sont plus dispendieux à l’État et qu’on pourrait aisément réduire leurs coûts en investissant dans des salles d’opérations publiques en manque chronique de financement.

Ces dernières années, les libéraux ont délibérément négligé des investissements en santé pour laisser se détériorer le réseau et permettre ainsi l’utilisation de ressources privées. 

De plus, le déplacement de main d’œuvre vers le privé sera inévitable avec l’effet concurrentiel des salaires plus élevés dans les cliniques commerciales, et en conséquence la crise budgétaire du ministère de la santé et la détérioration de la qualité des soins dans le public atteindront leur paroxysme, comme je le citais dans mon billet Une médecine à double tranchant.

La santé devenant un marché de plus en plus lucratif avec le vieillissement des baby-boomers, il est évident que le privé louche de ce coté. Une fois le pied dans la porte, le processus de privatisation ne pourra s’arrêter.

En fait, il s’agit d’un assaut en règle contre tous les acquis sociaux des Québécois.  La santé publique est l’assise de la justice sociale au Québec et les hommes d’affaires le savent très bien. En faisant tomber cette forteresse, tous les autres services publics suivront (éducation, travaux publics, etc.)

Le pouvoir de l’argent cherche à tout acquérir, même au prix de la santé et de la vie des personnes les plus démunies.

Une médecine à double tranchant

Cet article a paru le 29 juin 2005 dans le journal “Le Devoir”.

Les médecins pourraient, comme certains l’ont suggéré, être obligés de respecter un certain nombre d’heures de pratique ou de rendez-vous au réseau public avant d’aller soigner des patients dans un système privé. Le service public s’en trouverait alors allégé. Les partisans de cette option ont peut-être partiellement raison. Mais ils devraient pousser un peu plus loin leur réflexion: qu’en est-il des infirmières, des techniciens en réadaptation ou en anesthésie, des préposés aux bénéficiaires ou même du personnel de soutien?

La croyance populaire veut que seuls les médecins soient la pièce maîtresse de la santé. Mais il n’en est rien. On peut leur imposer un quota, mais en serait-il de même pour les autres professionnels de la santé? Je crois que non. Rien ne retient l’infirmière ou le technicien de quitter le système public pour un système privé plus rémunérateur. Sous cet angle, l’affirmation selon laquelle la médecine privée ne drainera pas de main-d’oeuvre du secteur public, en manque chronique de personnel, semble incertaine.

De plus, les salariés de plus bas niveau, comme les préposés aux bénéficiaires, qui, disons-le, n’ont pas la vie facile dans les services de santé, risqueraient de voir leur salaire diminuer dans le privé, comme c’est le cas aujourd’hui dans les centres d’accueil semi-privés. Ce qui revient à dire que les hausses de revenu des infirmières, des techniciens et des médecins dans un réseau privé se feraient sur le dos du personnel auxiliaire et de soutien.

Enfin, les rémunérations plus élevées des infirmières et des techniciens dans un cadre privé mettront de la pression sur le réseau public pour qu’il augmente les revenus des mêmes catégories de personnel. Ainsi, la crise financière du secteur public s’aggravera.

La médecine à deux vitesses incarne une lame à double tranchant: d’un côté, elle permettra, souhaitons-le, une rapidité de service dans les listes du système public tout en améliorant les conditions de travail de certains professionnels au privé; de l’autre, les professionnels, à l’exception des médecins, risquent de migrer vers le réseau privé, aucune mesure de rétention n’étant prévue à ce jour, et les travailleurs moins spécialisés écoperont d’une baisse des conditions de travail tandis que les meilleures salaires des travailleurs spécialisés au privé auront tendance à faire augmenter les coûts de ces classes d’employés dans le réseau public.

La liberté d’association reconfirmée!

Cet article a paru le 6 décembre 2007 dans le journal « Le Devoir » sous le titre « Les libéraux déboutés ».

La fameuse loi 30 de Jean Charest qui a tant outré le monde syndical québécois a été déboutée en Cour Supérieure et déclarée inconstitutionnelle.

La liberté d’association demeure un droit fondamental et cette loi entérinée sous le bâillon en 2003 brime les syndiqués du secteur de la santé et des services sociaux dans leur volonté de se regrouper librement.

Avec ce jugement, le gouvernement du Québec se doit de procéder à des amendements dans les 18 mois afin de respecter l’autonomie et la latitude des syndicats dans la gestion de leurs affaires internes.

Ainsi, les regroupements forcés et surtout la décentralisation au niveau local de plusieurs pans des contrats collectifs sont jugés illégaux. Il s’agissait d’un tour de passe-passe qui pouvait sembler positif pour les grandes centrales syndicales mais qui favorisait des inéquités dans les conditions de travail des travailleurs de part et d’autre des régions du Québec. De fait, on cherchait à diviser le monde syndical en montant une centrale contre une autre et les employés d’une institution contre une autre.

Le plus surprenant, c’est que les bonzes du Parti Libéral du Québec, composé de beaucoup d’avocats dont aussi le premier ministre Charest, savaient très bien que cette loi était très contestable devant les tribunaux. De plus, cette manœuvre était un dangereux précédent qui aurait pu s’étendre à tous les aspects de la vie sociale et ne pas toucher seulement le monde du travail. Est-ce alors de la mauvaise foi et un mépris total envers la Charte des Droits ainsi que du syndicalisme par les libéraux?

Si le gouvernement libéral s’obstine encore dans cette direction, on devrait voir bientôt la cause portée en appel devant la Cour Suprême du Canada au frais des contribuables québécois. Ce qui serait peu étonnant.