Les occasions manquées

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 17 janvier 2023

La Banque mondiale, en ce début de 2023, dresse un portrait plutôt sombre des années à venir pour l’économie mondiale. La guerre en Ukraine, l’inflation galopante, la montée des taux d’intérêt, les événements météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique et les tensions géopolitiques sont dans le tableau et entraîneront, selon les experts de l’institution, un faible taux de croissance un peu partout sur la planète et même une croissance nulle en Europe.

On parle aussi d’une deuxième récession en une seule décennie, ce qui serait du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que des taux de croissance anémiques qui ne s’étaient pas produits depuis les années 1960.

Et si les forts taux de croissance que nous avons connus avec les Trente Glorieuses et le début des années 2000 tiraient à leur fin? Plusieurs personnes l’ont évoqué: la croissance infinie dans un monde fini est impossible selon les conclusions du Rapport Meadows de 1972.

Serait-ce alors notre chance d’opérer le changement dont le monde a tant besoin avant que la réalité nous rattrape? Les échecs du néolibéralisme et du laisser-faire économique deviennent de plus en plus patents. Le non-respect de l’environnement et du climat, l’exploitation abusive des richesses naturelles planétaires ainsi que les grands écarts de richesse (même décriés par l’OCDE) nous dirigent inéluctablement vers un cul-de-sac.

Nous avons eu, plus d’une fois, notre chance de procéder à un changement de modèle socio-économique. La crise financière mondiale de 2007-2008, qui a fait vaciller le capitalisme, et la pandémie de la COVID-19, qui nous a démontré qu’un style de vie moins déjanté était possible, ont été autant d’opportunités de changer de cap. 

Aujourd’hui, un fort ralentissement économique se pointe à l’horizon. Serons-nous capables d’en profiter pour le mieux? Combien d’occasions manquées raterons-nous encore?

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La nouvelle chasse aux sorcières des libéraux

Récession et déficit appréhendé obligent, le gouvernement Charest et son ministre Sam Hamad de l’emploi et de la solidarité sociale raclent les fonds de tiroirs en s’attaquant aux assistés sociaux, ces bandits de grands chemins qui vivent le grand luxe au frais des contribuables avec moyennement 675$ par mois.

Selon une récente étude gouvernementale, les soi-disantes « fraudes » dans le régime d’assistance sociale s’élèveraient en moyenne à 69 millions sur un budget annuel de 3 milliards de dollars.  Autrement dit, une goutte d’eau dans l’océan.

Par ailleurs, en divisant ce montant par le nombre de prestataires, soit environ 370 000 personnes, on obtient le chiffre faramineux de 189$ par année par assisté social.  Une somme pourtant insignifiante, mais qui peut faire toute la différence pour une personne vivant avec à peine 8 100$ annuellement.

Mais cette constatation n’empêche pas les sbires du ministère de l’emploi et de la solidarité sociale de courir après ces fraudeurs invétérés avec tous les moyens coercitifs possibles en dépit des éventuelles dérives et injustices d’une telle manœuvre. Nous avons pu le constater dernièrement avec la coupure sauvage et injustifiée des prestations d’une assistée sociale des Laurentides ayant souffert d’un anévrisme.

Cela n’est pas sans rappeler les Boubou Macoutes de Robert Bourassa, comme si les libéraux québécois avaient toujours tendance à frapper en priorité sur les moins chanceux de la société.

Bien sûr, il faut lutter contre la fraude, mais on se doit de s’attaquer aux vrais fraudeurs et non pas aux plus démunis de la société que l’on pousse souvent à déjouer le système afin de pallier à leur manque de ressources.

Mais qui sont ces véritables fraudeurs? Il s’agit des nantis qui usent d’évasion fiscale.  Il s’agit aussi des grandes entreprises qui reçoivent des congés d’impôt indécents et des subventions généreuses sans motif valable ou les entrepreneurs en construction routière obtenant de manière douteuse des contrats gouvernementaux juteux par un procédé d’appel d’offre corrompu (lire:Le vol de la dette publiqueCorruption libérale et  Convergence politico-médiatique).

Pour le gouvernement libéral, il est plus facile de mettre l’emphase dans les médias sur les têtes de turcs de l’assistance sociale qui n’ont pas droit à la réplique que sur ses riches copains donateurs au Parti Libéral extorquant le Québec d’une somme bien plus considérable que ces misérables millions.

Un troisième référendum sur la souveraineté du Québec?

Le débat sur la souveraineté devrait gagner en popularité dans les prochaines années en raison du contexte économique défavorable.

Dans le passé, nous avons pu remarquer une effervescence de la cause souverainiste en période de turbulence économique et le même phénomène pourrait opérer dans un futur pas si lointain.

 

En effet, les années antérieures aux deux référendums sur la souveraineté du Québec (1980, 1995) furent des périodes d’incertitudes économiques qui ont ravivé la problématique de la question nationale. 

 

Dans les années 70,  l’économie mondiale connu ses premiers ralentissements majeurs depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.  Les Trente Glorieuses se terminaient abruptement avec les deux chocs pétroliers et l’entrée d’un nouveau mal : la stagflation, c’est-à-dire la présence simultanée de la stagnation de l’économie et d’une forte inflation.

 

C’est dans ce climat de vacillement du système économique mondial ainsi que dans l’éveil de la conscience nationale des québécois émergeante de la révolution tranquille que le mouvement souverainiste prit le pouvoir en 1976 avec une coalition hétéroclite appelée Parti Québécois.  Quatre ans plus tard, le premier référendum sur la souveraineté du Québec eut lieu avec le résultat que l’on connaît. 

 

Quinze ans plus tard, le discours référendaire renaissait de ses cendres après la dure récession du début des années 90.  Le chômage progressa significativement de 1990 à 1994 et la crise des finances publiques frappa le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.

 

C’est alors que, dans une ambiance de difficultés économiques combinée avec la crise politique de l’après Lac Meech, le Parti Québécois regagna le pouvoir en 1994 et eu l’audace de suggérer un nouveau référendum se soldant par une amère défaite des partisans de l’option souverainiste qui fut rejetée par seulement quelques milliers de voix.

 

Si l’Histoire tend à se répéter, nous devrions assister à un troisième référendum dans les années à venir.  La présente crise économique devrait exacerber l’insécurité économique des québécois et la moindre friction politique Québec-Ottawa pourrait propulser encore en avant le sujet de l’indépendance du Québec.   

 

En somme, lorsque l’économie va bien, que tout le monde est occupé par le travail, que chacun est plus ou moins satisfait de sa condition matérielle, une société ne s’interroge pas sur son futur ou sa situation politique. 

 

Mais, au contraire, en temps de ralentissement, de récession ou de crise économique, les problèmes non-résolus d’une société reviennent la hanter car il n’y plus rien pour détourner l’attention des citoyens envers les affaires publiques. 

 

Dans la foulée, une société peut rechercher de nouveaux moyens afin de résorber un état de crise chronique et ces nouveaux moyens peuvent parfois se présenter dans un rapatriement d’un plus grand pouvoir politique dont le but serait de mieux sortir cette dite société d’une situation difficile.  Ainsi, en possédant tous les leviers de la politique économique (taux d’intérêt, aide financière ciblée dans des secteurs en difficultés propre au Québec, fiscalité, etc.), le peuple Québécois serait ainsi plus en mesure de relancer adéquatement son économie.    

 

Le dernier budget fédéral du conservateur Stephen Harper semble démontrer la pertinence d’un État québécois indépendant.  Effectivement, le Québec va subir un sous-investissement prononcé des subsides du gouvernement central au profit de l’Ontario.  Le gouvernement conservateur a décidé de laisser tomber le Québec après ses faibles résultats des deux dernières élections fédérales dans la Belle Province.

 

La règle non-écrite de l’alternance politique devrait être à l’avantage du Parti Québécois aux prochaines élections générales et l’alignement des astres pourrait bien être plus favorable à une éventuelle souveraineté du Québec dans cet environnement économique précaire.

Brève autopsie de la crise financière

Comment expliquer la crise financière qui secoue le monde? Soyons bref. 

À la base même du système économique capitaliste réside le crédit.  Le crédit est l’échafaudage qui maintient debout tout l’ensemble.  Pourquoi?  Parce que la totalité de la valeur des biens et services manufacturés (automobiles, maisons, électronique, etc.) par les entreprises excède les revenus totaux concédés aux salariés/consommateurs par leurs employeurs.  Sans le crédit, il ne serait pas possible d’augmenter constamment les courbes de bénéfices des compagnies et d’écouler tout ce qui est fabriqué.

Malheureusement, il vient un temps, à toutes les 3 ou 4 générations, où l’endettement atteint des proportions tellement démesurées que la machine économique s’embourbe et débouche sur un état de crise économique profonde. La consommation décroit car la demande est atrophiée par le poids de l’endettement généralisé et les entreprises commencent dès lors à réduire leur main-d’œuvre en parallèle avec leurs activités de production.

C’est alors que les banques commerciales qui trônent au-dessus de tout le système économique commencent à enregistrer des pertes.  Ayant depuis des années soutenues la croissance par le crédit, elles sont assaillies subitement par les faillites successives et doivent rayer de leurs livres comptables de nombreuses mauvaises créances.  Et comme si cela n’était pas suffisant, les épargnants retirent leurs dépôts des banques par manque de confiance, ce qui diminue les réserves obligatoires et accule donc ces institutions financières pratiquement à la faillite.

En conséquence, sans financement bancaire, les entreprises siégeant dans l’économie réelle sont alors confrontées à un rétrécissement de leurs possibilités d’emprunt, ce qui détériore encore plus leurs situations financières et leurs projets de développement.

Comme nous l’avons vu dernièrement, les banques centrales et les autorités gouvernementales se doivent de soutenir elles-mêmes l’accès au crédit par des généreux prêts ou subventions afin d’empêcher l’écroulement de tout le système même si cela ajoute un fardeau fiscal supplémentaire sur le dos des contribuables.

La crise du subprime a été le déclencheur de la débâcle actuelle et elle rentre aussi dans la même logique.  Les acheteurs n’avaient pas les moyens de se payer ces maisons offertes sur le marché en partie en raison du fossé entre production et consommation évoqué ci-haut mais surtout en rapport à la spéculation qui a gonflé artificiellement les prix de vente des résidences. 

En tout, au pays de l’Oncle Sam, 10 540 milliards de dollars en prêts hypothécaires ont été souscrits par les familles américaines.  Par ailleurs, il faut aussi inclure les dettes par cartes de crédit qui s’élèvent à  1 000 milliards, en augmentation de 25% depuis 2003.

Il s’agit d’une analyse plutôt schématisée, j’en conviens, mais elle permet de cerner un peu plus cette crise financière.

Voir: La pire crise depuis 1929

 

La pire crise économique depuis 1929

Le blogueur que je suis vous avait pourtant averti plusieurs fois de la dépression économique à venir et cela depuis plus d’un an (voir les liens ci-dessous).

En conséquence, on m’a décrié, on m’a insulté, on m’a traité d’oiseau de malheur et on a dit que je ne connaissais rien en économie car je ne suis qu’un minable petit gauchiste.

Mais la réalité rattrape les incrédules.

Voila aujourd’hui que plusieurs économistes vont dans le même sens en parlant de la pire crise économique depuis 1929 et ils entrevoient peu de développements positifs pour les prochaines années.

Nous en sommes rendus là.

L’économie occidentale et mondiale vient d’atteindre le fond du baril et ce ne sont pas les injections massives de milliards de dollars ou d’euros dans les institutions financières privées provenant des trésors publics ou les baisses des taux directeurs des banques centrales qui y changeront quelque chose.

Le système économique capitaliste est malade de sa propre inefficacité et de l’avarice de ses élites.

On a poussé trop loin la logique mercantile sans considération du facteur humain ou social tout en favorisant le crédit à l’extrême afin de soutenir une croissance déconnectée du monde réel qui ne profitait qu’à une infime minorité en absence d’une juste répartition des richesses.

L’Histoire se souviendra de cette année 2008 comme le début de la pire dépression économique du capitalisme et de l’avénement d’une nouvelle ère pour l’Humanité.

À lire encore et toujours:

Frénésie boursière et endettements massifs : un signe des temps ?

La Bourse: au bord du gouffre financier?

L’économie américaine au bord du gouffre

Une croissance à crédit

La globalisation économique en déclin

Économie américaine : le point de rupture à l’horizon?

Le cul-de-sac américain

Le cul-de-sac américain II: inflation, hausse du taux d’intérêt et subprime

Le public toujours à la rescousse du privé

Une crise économique salvatrice pour la planète?

Nouveau: La faillite des nations

Une crise économique salvatrice pour la planète?

La course du capitalisme mondial est effrénée. Comme une machine folle s’étant emballée, rien ne paraît pouvoir l’arrêter. La Chine et l’Inde embarquent dans la danse tandis que les richesses sont encore plus dilapidées, la terre polluée et que la surconsommation des uns fait contraste avec la pauvreté de plusieurs.

Comment stopper ou au moins mettre un frein à ce mouvement apparemment irréversible? Les États souverains ne peuvent s’y opposer et encore moins les groupes d’intérêts sociaux, humanitaires ou écologistes.

On en vient à souhaiter que ce système se saborde lui-même et jette par son inconsistance les fondements de sa propre chute.

La récession américaine à venir, la crise du crédit (subprime) et leurs répercussions sur le commerce et le système financier mondial pourraient éventuellement mener à une nouvelle grande dépression économique. La baisse de la demande du principal client des puissances économiques montantes en Orient n’épargnera pas ces dernières d’une baisse de leurs activités économiques.

Alors, pourquoi ne pas la désirer, cette crise? Cela forcerait les nations à opter pour de nouvelles méthodes d’allocation plus équitables des biens et des services, comme ce fut le cas dans les turbulentes années 30 du siècle dernier. On peut citer le New Deal aux États-Unis ou les politiques du Front Populaire en France.

On remettrait ainsi en question l’ordre économique mercantile mondialisé et favoriserait l’implantation d’une production locale et d’une consommation responsable moins axée sur la frivolité.

Les producteurs locaux seraient aussi avantagés car on ferait appel à leurs services au lieu d’importer de l’autre bout de la planète des produits dispendieux en coûts environnementaux et de transport.

De plus, cela est sans compter l’impact positif sur la préservation de l’écosystème et sur l’exploitation des ressources planétaires en conséquence d’une baisse de la consommation.

Il est vain de croire que la décroissance et la simplicité volontaire vont s’imposer par elles-mêmes sans un ébranlement de la structure économique actuelle. La situation économiquement difficile des futures années risque de réussir là où les bonnes intentions passées ont échoué.

L’Humain ne change pas par plaisir ou par grandeur d’âme, mais seulement lorsque le contexte l’impose.

Le cul-de-sac américain II: inflation, hausse du taux d’intérêt et subprime

Devant la poussée inflationniste dû à la hausse record du prix du baril de pétrole à 120,36 dollars en mai 2008,  la FED (banque centrale américaine) se trouve dans une position délicate.

En fait, depuis un an, on a abaissé substantiellement le taux d’intérêt directeur jusqu’à 2,25% en mars 2008 en espérant une reprise, mais il faudra revoir cette politique avec une inflation haussière annuelle de 4,3% en janvier 2008 (du jamais vu depuis 17 ans).

Normalement, devant la hausse de l’inflation, on augmente les taux d’intérêt afin de contrer l’envolée des prix, comme on l’a vécu dans les années 70 lors des premières crises pétrolières. On évite ainsi une hyperinflation désastreuse pour l’économie en contractant le crédit et la consommation.  

Mais, aujourd’hui, la donne est différente.  L’endettement des américains bat des records.

La déroute financière immobilière incarnée par le subprime a déjà étranglé monétairement plusieurs citoyens plus ou moins solvables et toute augmentation du taux les pousserait encore plus vers la banqueroute, entraînant avec eux plusieurs institutions de crédit déjà ébranlées par la crise.

De plus, majorer le taux directeur nuirait encore plus à la santé de la consommation et à l’équilibre du monde bancaire car plusieurs américains ont acheté à crédit des biens de consommation avec des fonds qu’ils ne possédaient pas.   Il faut aussi tenir compte des énormes dettes des entreprises commerciales.

En véritable oracle, le Wall Street Journal publiait, le 5 juillet 2000, les données suivantes sur l’endettement des Américains : ” le niveau d’endettement des ménages a augmenté de 60 % pour se situer à 6500 milliards. Plus de 160 milliards de dollars de prêts hypothécaires (soit 11 % du total) ont été accordés à des emprunteurs à risque, contre 40 milliards en 1993. Selon les analystes du marché hypothécaire, près d’un quart des nouvelles hypothèques sont contractées par des gens qui sont ” fauchés “. La quantité d’obligations pourries impayées s’élève à 529 milliards de dollars contre 173 milliards il y a dix ans. 5,4 % des entreprises américaines ayant contracté ce type de dettes ont été dans l’impossibilité de verser les intérêts au cours des douze derniers mois, le plus haut taux de défaut de paiements depuis 1992. En outre, environ 320 milliards de prêts de consortium ont été accordés à des sociétés ayant une faible notation de crédit contre 58 milliards en 1990. Le ménage américain moyen dispose de treize cartes de crédit, bancaires et non bancaires confondues. La dette des ménages atteint le record de 101 % par rapport au revenu, alors qu’elle était de 84 % en 1990. Elle est passée de 4100 milliards en 1993 à 6500 milliards au premier trimestre 2000, soit une augmentation de 59 %. La dette des entreprises représente aujourd’hui 46 % du PIB, le plus haut pourcentage jamais atteint. Quant aux entreprises financières, on sait que c’est cette catégorie de dette qui croît le plus rapidement : depuis 1993, elle a ainsi augmenté de 132 % “.

Nul doute que la situation est pire en 2008.

Quelle sera la ligne directrice de la FED?  Up or Down?

Elle se retrouve seule à tenir les reines de l’économie car le gouvernement fédéral est devenu impuissant parce qu’il ne peut investir afin de redémarrer la croissance ou déréglementer encore plus l’économie pour éveiller les forces du marché, comme je le citais dans Le cul-de-sac américain.

Ce dilemme doit donner de sérieux maux de tête à l’actuel président de la FED,  Monsieur Ben Bernanke.

Le cul-de-sac américain

La récession, voire la dépression économique, guette les États-unis d’Amérique (Voir: Économie américaine: le point de rupture à l’horizon?, Une dépression économique à venir?, Une croissance à crédit, L’économie américaine au bord du gouffre).

Comment sortir de cette impasse?

Dans les années 30 du siècle dernier, les autorités publiques avaient injecté des fonds dans l’économie par de grands projets et l’établissement de programmes sociaux, quitte à endetter le gouvernement, afin de relancer la croissance et mettre fin à la grande dépression.

Aussi, dans les années 70, dans lesquelles on assista à deux crises pétrolières qui se résultèrent par une inflation galopante et l’avènement de la stagflation ébranlant les fondements mêmes de l’économie par un chômage chronique ainsi qu’une élévation de la dette publique, on procéda à une déréglementation des marchés, à un retrait de l’État par la privatisation des entreprises gouvernementales et au sabordement des acquis de l’État Providence jugés trop coûteux.

Maintenant, l’une et l’autre de ces alternatives en politique économique paraissent inappropriées dans le climat désastreux de l’économie américaine alimenté par la crise du crédit et la hausse du coût du carburant.

Appliquer le keynésianisme accroisserait encore plus la dette publique qui frôle maintenant les 9 100 milliards de dollars.

Mettre encore plus en vigueur les principes néolibéraux inspirés du monétarisme de l’école de Chicago se voudrait difficilement applicable car on a déjà sabrer dans les budgets socio-économiques de l’État fédéral depuis 30 ans et déréglementer à fond l’économie, ce qui a mené d’ailleurs à des pertes majeures de contrôle comme la crise financière du subprime.

L’enlisement de la première puissance économique mondiale se concrétise de plus en plus. Le taux directeur de la FED actuellement à près de 2% et qui ne cesse de décroître (diminution de 5% à 2,25% de juillet 2007 à mars 2008 ) afin de stimuler l’économie américaine laisse présager de sombres lendemains.

Qu’arrivera-t-il lorsque ce taux atteindra 0,25% et qu’aucun levier de relance ne sera à la portée des autorités?

Lire la suite: Le cul-de-sac-américain II: inflation, hausse du taux d’intérêt et subprime

Fêter comme si c’est 1929

Voici, en traduction libre, le texte d’opinion du columnist Paul Krugman du journal The New York Times concernant la crise financière qui frappe actuellement les États-Unis.

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 « Partying Like It’s 1929 (21 of march 2008,The NY Times) »

Si Ben Bernanke (président de la Fed), parvient à sauver le système financier de l’effondrement, il sera, à juste titre, loué pour ses efforts héroïques.

Mais ce que nous devrions poser comme question est la suivante: comment en sommes-nous arrivés là?

Pourquoi est-ce que le système financier a besoin d’être sauvé?

Pourquoi des économistes à la manière douce doivent devenir des super-héros?

La réponse, à un niveau fondamental, c’est que nous payons le prix de l’amnésie volontaire. Nous avons choisi d’oublier ce qui s’est passé dans les années 1930 – et ayant refusé d’apprendre de l’histoire, nous allons la répéter.

Contrairement à la croyance populaire, le krach boursier de 1929 n’a pas été le moment déterminant de la Grande Dépression. Ce qui a transformé une simple récession en un danger pour la civilisation a été la vague de retraits massifs bancaires qui a balayé l’Amérique en 1930 et 1931.

Cette crise bancaire des années 1930 a montré que non réglementés, sans supervision, les marchés financiers peuvent trop facilement subir une défaillance catastrophique.

Avec les décennies qui se sont écoulées, la leçon a été oubliée – et maintenant nous devons réapprendre, à la dure.

Pour appréhender le problème, vous devez comprendre ce que les banques font.

Les banques existent parce qu’elles permettent de concilier les désirs des épargnants et des emprunteurs. Les épargnants veulent la liberté – l’accès à leur argent sans préavis. Les emprunteurs veulent un engagement: ils ne veulent pas risquer d’être confrontés à des demandes subites de remboursement.

Normalement, les banques satisfassent à la fois deux désirs: les épargnants ont accès à leurs fonds quand ils le veulent, mais la plupart de l’argent placé dans une banque est utilisé pour faire des prêts à long terme. La raison que cela fonctionne est que les retraits sont généralement plus ou moins compensés par de nouveaux dépôts, de sorte que la banque n’a besoin que d’une modeste réserve de trésorerie afin de tenir ses promesses.

Mais parfois – souvent basé sur rien d’autre qu’une rumeur – les banques font face à des retraits massifs, car de nombreuses personnes tentent de retirer leur argent en même temps. Une banque qui est confrontée à un retrait massif par les déposants, manquant de liquidités pour répondre aux exigences, peut faire faillite même si la rumeur est fausse.

Pire encore, les retraits massifs d’une banque peuvent être contagieux. Si les épargnants d’une banque perdent leur argent, les déposants d’autres banques sont susceptibles de devenir nerveux, eux aussi, et cela déclenche une réaction en chaîne. Et il peut y avoir des effets économiques d’ensemble: comme les banques survivantes tentent de soulever des fonds par le paiement des emprunts, il peut y avoir un cercle vicieux dans lequel les banques vont provoquer un « crunch » du crédit en conséquence de plus de retraits massifs, ce qui conduit à plus de faillites d’affaires et de difficultés financières pour les Banques, et ainsi de suite.

Voilà, en bref, ce qui s’est passé en 1930-1931, ce qui a fait de la Grande Dépression la catastrophe qu’elle fut. Donc, le Congrès a essayé de faire en sorte qu’elle ne se reproduise jamais, en créant un système de réglementations et de garanties qui a fourni un filet de sécurité pour le système financier.

Et nous avons tous vécu avec bonheur pendant un moment – mais pas pour toujours.

Wall Street a usé de réglementations qui limitent les risques, mais qui ont limité également les bénéfices potentiels. Et peu à peu, les règles ont été atténuées- en partie en persuadant les hommes politiques d’assouplir les règles, mais surtout par la création d’un «système bancaire de l’ombre » qui s’est fondé sur des arrangements financiers complexes pour contourner la réglementation visant à assurer que la banque était en sécurité.

Par exemple, dans l’ancien système, les épargnants ont inscrits, dans les caisses d’épargne,  des dépôts assurés strictement réglementés et les banques ont utilisé cet argent pour faire des prêts au logement. Avec le temps, cependant, cela a été en partie remplacé par un système dans lequel les épargnants plaçaient leur argent dans des fonds qui ont servi à acheter des placements commerciaux prétendus prometteurs par le biais de véhicules de placement qui ont à leur tour achetés les obligations consolidées de la dette créées à partir des prêts hypothécaires sécurisés– sans régulateur en vue.

Au fil des ans, le système bancaire « camouflé » a pris de plus en plus de contrôle sur l’activité bancaire, parce que ces joueurs non réglementés de ce système semblaient offrir de meilleures offres que les banques classiques. En attendant, ceux qui s’inquiétaient du fait que ce brave nouveau monde de la finance n’a pas de filet de sécurité ont été rejetés car qualifiés de désespérément vieillots.

Dans les faits, cependant, nous avons fêté comme en 1929 – et maintenant, c’est 1930.

La crise financière en cours est essentiellement une version à jour de la vague de faillites bancaires qui ont balayé le pays il y a trois générations. Les gens ne sortent pas leur argent des banques pour le mettre dans leurs matelas – mais ils font l’équivalent moderne, tirant leur argent à l’ombre du système bancaire afin de le transfromer en bons du Trésor. Et le résultat, maintenant comme alors, c’est un cercle vicieux de contraction financière.

M. Bernanke et ses collègues de la Fed font tout ce qu’ils peuvent pour mettre fin à ce cercle vicieux. Nous ne pouvons qu’espérer qu’ils réussissent. Sinon, les prochaines années seront très désagréables – pas de nouvelle Grande Dépression, espérons-le, mais sûrement la pire crise que nous avons vu depuis des décennies.

Même si M. Bernanke réussit, cependant, ce n’est pas une façon de gérer l’économie. Il est temps de réapprendre les leçons des années 1930, et obtenir le retour d’un système financier sous contrôle.

 Paul Krugman, le 21 mars 2008

Source: http://www.nytimes.com/2008/03/21/opinion/21krugman.html?_r=1&hp&oref=slogin

 Voir aussi: Frénésie boursière et endettements massifs : un signe des temps ?

Une dépression économique à venir?

NOUVEAU! LA PIRE CRISE ÉCONOMIQUE DEPUIS 1929

La chute récente des marchés boursiers sur l’ensemble de la planète laisse craindre le pire.

Voici en rappel quatre billets de 2007 qui évoquaient la triste éventualité d’une crise économique mondiale majeure:

Une croissance à credit

L’économie américaine au bord du gouffre

La bourse au bord du gouffre financier

Frénésie boursière et endettements massifs

Bonne lecture!