En attendant le déluge…

Photo de Markus Spiske provenant de Pexels

Cet article a été publié dans Le Devoir le 16 novembre 2021 sous le titre « Bientôt le déluge »

L’année 2021 n’est même pas encore terminée que l’on conclut déjà qu’elle trônera probablement sur le podium des années les plus chaudes tandis qu’une cascade de catastrophes déferle sur le globe.

La montée des eaux océaniques ainsi que le recul des glaciers aux pôles continuent sans cesse et ne pourront être évités même si les émissions de gaz à effet de serre s’arrêtaient abruptement.  C’est ce que confirment plusieurs études soulignant que les glaciers réagissent avec des décennies et même des siècles de retard par rapport aux transformations du climat.

Un grain de sable s’est insinué dans les rouages de la mécanique climatique laissant craindre que le pire reste à venir face à l’accélération du rehaussement des températures, notamment par les émissions fugitives de méthane du pergélisol fondant ou des hydrates de carbone des mers qui feront perdre toute prise de l’homme sur l’accentuation du réchauffement planétaire et de ses conséquences sur le climat. Pourtant, le rapport Stern a bel et bien prévenu qu’il en coûterait 20 fois plus cher dans l’avenir pour protéger la planète contre les hausses de températures que si nous nous y attardions dès maintenant.

Et pendant ce temps, notre attentisme dans la prévention des périls écologiques futurs frise l’insouciance puérile malgré la tenue de maintes conférences sur le climat, comme celle de Glasgow récemment (COP26), qui ne débouchent toujours que sur de creuses promesses et des vœux pieux.

L’incrédulité ambiante et les intérêts contradictoires des nations développées contre ceux des pays émergents sont autant de freins à la résolution définitive de la problématique climatique. Sans compter la rivalité croissante entre les deux superpuissances planétaires, l’ancienne et la nouvelle, les États-Unis et la Chine, hypothéquant davantage les prochaines générations par le refus de ces dernières d’investir systématiquement dans la lutte aux changements climatiques considérée comme trop dispendieuse devant leur désir de domination économique et militaire.  Ces deux pays émettant à eux seuls près de la moitié des GES de causalité humaine.

Malgré les beaux laïus entendus lors des multiples conférences sur le climat, les dirigeants politiques se cantonnent dans l’immobilisme.  Les uns attendent que les autres bougent dans la crainte de perdre le moindre avantage économique dans ce féroce marché mondial globalisé dans lequel les nations les plus faibles mordent la poussière.

En ce monde dominé par l’implacable capital, peu importe les considérations environnementales ou la pérennité du genre humain.  L’important est de garnir son portefeuille d’actions immédiatement au détriment du prix qu’aura à payer la descendance.

Cela est bien symptomatique de notre époque consumériste: achetez maintenant, payez plus tard…

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La lumière au bout du pipeline

On croyait que l’avènement du pic pétrolier, cette théorie annonçant le plafonnement et l’épuisement graduel des réserves de pétrole, allait enfin pousser la planète à rechercher des ressources énergétiques alternatives moins polluantes.

Depuis plus de 20 ans, plusieurs projets de transition virent timidement le jour – comme l’énergie éolienne, solaire, marémotrice – mais la découverte récente de nouveaux gisements pétroliers a changé la donne. L’exploitation du pétrole des roches de schistes, des fonds marins de l’Arctique et des sables bitumineux que nous acheminons par pipeline et même par trains (avec tous les risques que cela comporte pour l’environnement) repousse encore plus l’éventualité d’un changement de paradigme si pressant en matière d’énergie afin de préserver la stabilité du climat.

L’humanité aligne encore sa destinée avec celle du pétrole sans penser à l’après-pétrole. Mais, qu’arrivera-t-il, dans plusieurs décennies, lorsque l’or noir se tarira?

Premièrement, les conséquences finales sur l’environnement seront désastreuses. Le réchauffement climatique dû au surcroît de CO2 dans l’atmosphère et le rejet de méthane émanant des glaciers fondants, un gaz encore plus à effet de serre que le CO2, bouleverseront l’ordre climatique tel que nous le connaissons. Et ce n’est qu’un début avec les perturbations climatiques (typhons, tornades, tsunamis, inondations) que nous avons vues depuis quelques années aux quatre coins du globe.

Deuxièmement, cette voie amènera inéluctablement la fin de notre civilisation tant dépendante du pétrole. Si nous ne prévoyons pas assidûment un modèle différent et viable de consommation énergétique dans un futur rapproché, nos sociétés cesseront de fonctionner et nous retournerons malheureusement à un état proche du Moyen-Âge.

Le plus ironique est que nous puisons la plus grande part de notre énergie des restes d’une espèce disparue subitement voilà des dizaines de milliers d’années, les dinosaures (le pétrole étant en partie un résidu fossile provenant de cette race), et que nous courons probablement à une pareille disparition en les utilisant.

Il est grand temps que nous voyions, enfin, la lumière au bout du pipeline…