Bastarache: la tyrannie magistrale

Grand espoir fut suscité par la Commission Bastarache dont on espérait y voir un semblant de neutralité et d’esprit critique malgré sa création par le premier ministre Jean Charest lui-même se trouvant au centre de toute cette affaire de nomination partisane des juges dans la magistrature provinciale.

Cependant, il faut considérer tous les enjeux et tous les acteurs en place afin d’assimiler et de comprendre la portée et le sens du rapport Bastarache qui affirme avec tiédeur et antinomie la nécessité de procéder à des changements de protocole tout en blanchissant l’équipe exécutive libérale et leurs bailleurs de fonds de toute faute.

Dans ce document lénifiant et complaisant, Jean Charest n’aurait pu mieux demander, même dans ses délires oniriques les plus fous.  L’ancien juge de la Cour suprême du Canada, Michel Bastarache, le conforte tout en affublant – à mots à peine voilés –  l’instigateur du dossier, Marc Bellemare, de menteur tout autant que son ancien sous-ministre Georges Lalande, témoin de la pression exercée par l’argentier libéral Franco Fava.

Or, comment Bastarache peut-il en arriver à un tel résultat après 6 millions de dollars de deniers publics dépensés et des mois de délibérations?

En fait, la vérité a peu de poids dans ce jugement.  L’important fut de protéger les apparences et de préserver la foi en les institutions publiques et surtout judiciaires.

Imaginez si Bastarache avait prétendu que le chef du gouvernement a agit de manière douteuse et non-éthique dans la nomination des juges?

Premièrement, il aurait ébranlé la confiance dans l’appareil démocratique ainsi que dans l’État.  Déjà que celle-là se fissure de partout.  Ironiquement, sous ce plan, le verdict Bastarache aura la conséquence opposée de celle voulue.  Le cynisme envers les institutions se répandra encore plus rapidement…

Deuxièmement, encore plus capital,  toute la légitimité de la magistrature pouvait être contestée.  Quel juge a été nommé par un collecteur de fonds libéral?  Quel juge a un jugement biaisé en fonction des intérêts de ses amis libéraux acoquinés avec tel ou tel gens d’affaire impliqué dans un dossier épineux comme les gaz de schiste, par exemple?

Troisièmement, il était dans l’intérêt de l’ex- juge Bastarache lui-même de ne pas affaiblir la position de ses pairs!  La communauté des juges aurait probablement mal reçu un désaveu sur les pratiques de nomination dans la magistrature sous la gouverne libérale, sans compter que de pareils soupçons de favoritisme pèsent sur la nomination de Michel Bastarache à la Cour suprême par les libéraux fédéraux.

En somme, les dés furent pipés dès l’enclenchement de cette commission fantoche.

La vérité ineffable et la justice ont passé au second rang derrière les intérêts corporatistes de la magistrature cherchant à se prémunir autocratiquement de toute attaque contre sa légitimité.

Car, disons-le, nous vivons dans une tyrannie magistrale, c’est-à-dire de la magistrature.

Ce sont les juges qui tranchent en dernier recours après les hésitations ou les tergiversations de l’organe législatif de l’État.  En outre, après la Cour suprême, la dernière instance, il n’existe aucun autre palier de contestation – à part Dieu- cela même si les décisions sont ineptes et justifiées par un élan d’autoprotection ou de retour d’ascenseur envers certains amis influents…

 Niveau de difficulté de texte selon Scolarius d’Influence Communication :  162 (universitaire)