La femme, l’Iran et les États-Unis

Cet article a été publié le 17 octobre 2022 dans Le Devoir et le 18 octobre 2022 dans Le Soleil de Québec

L’Iran et les États-Unis. Deux pays que l’on penserait diamétralement opposés, mais qui ont plus de ressemblances qu’on ne le croit ces derniers temps. Autant les Américaines que les Iraniennes sont contraintes de mener un combat pour le respect de leurs droits fondamentaux.

Au pays de l’Oncle Sam, où le principe de liberté est pourtant galvaudé et érigé en valeur fondamentale, on assiste depuis l’avènement de la présidence de Donald Trump à un recul du droit à l’avortement et on envisage que d’autres droits considérés comme acquis seront bafoués avec une Cour suprême positionnée résolument à droite par les nominations de juges de l’ex-président républicain.

Et, en Iran, la République islamique, qui a écrasé toute velléité d’émancipation de la femme avec sa révolution de 1979, semble vaciller sous de nombreuses manifestations contre le régime, durement réprimées par les autorités, qui ont pour origine la mort d’une jeune femme survenue à la suite de son arrestation par la police iranienne pour une infraction mineure au code vestimentaire islamique.

Les femmes de ces deux nations se retrouvent à présent à un moment historique crucial. Les Américaines doivent voter en masse lors des prochaines élections de mi-mandat afin de renverser la vapeur sur l’étiolement de leur liberté et du choix de décider de ce qu’elles font de leur corps. De leurcôté, les Iraniennes vont poursuivre la lutte courageusement pour sortir du carcan patriarcal des ayatollahs, qui dure depuis plus de quarante ans.

Les Américaines devraient s’inspirer de la lutte des Iraniennes afin d’éviter qu’une régression plus marquée de leurs droits ne se produise aux États-Unis. C’est dans quelques semaines, lors de ces élections de mi-mandat, que se décidera le chemin qu’empruntera le peuple américain. Un faible taux de participation des femmes ferait oeuvre de leur approbation à l’accès restreint à l’avortement et concrétiserait la mainmise pour des décennies de la religion et du Parti républicain sur les institutions politiques américaines. Et alors un retour en arrière s’avérerait très difficile, sauf peut-être au prix de manifestations sanglantes comme celles que l’on connaît actuellement en Iran…

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Suprême inconséquence

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 8 juillet 2022 et de manière écourtée dans Le Devoir, le 6 juillet 2022

Photo by Jesse Collins on Unsplash

Il est rare dans l’histoire politique américaine qu’un président d’un unique mandat et, qui plus est, des plus controversés de tous les temps ne laisse autant son empreinte que Donald Trump. Les répercussions des deux récents jugements d’une Cour suprême dont il a contribué au remodelage avec les nominations de trois juges ultraconservateurs en son sein se feront sentir pendant longtemps.  

Ainsi, avec des décisions en porte-à-faux avec l’opinion publique, la Cour suprême des États-Unis a signé l’annulation de l’arrêt pro-avortement Roe v. Wade que pourtant 70% des Américains appuient selon un sondage de mai 2022. Et dans un autre jugement impliquant l’industrie du charbon, la Cour limite grandement le pouvoir de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) de réglementer les émissions de gaz à effet de serre même si encore une vaste majorité des Américains (72%) considèrent les changements climatiques comme un réel problème selon un sondage de l’Université Yale en 2021.

Il est alors facile de constater que l’influence d’un certain monde des affaires avide de profits et de groupes de pression religieux vient d’atteindre un nouveau sommet dans les institutions politiques américaines. Le pouvoir judiciaire, la Cour suprême, qui se doit pourtant de refléter la société dont elle est issue en interprétant les lois selon les préoccupations et les enjeux contemporains, n’est plus un instrument de progrès et de stabilité comme elle le fut jadis. Force est de constater qu’elle devient progressivement un simple organe idéologique et dogmatique de certaines minorités influentes dont les intérêts vont à l’encontre de la volonté de la majorité en violation du principe de séparation des pouvoirs si cher aux Pères fondateurs.  Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que son prestige et sa crédibilité décroîssent de plus en plus selon ce qu’indiquent d’autres récents coups de sonde. 

Finalement, il est intéressant de pointer du doigt le caractère contradictoire et l’inconséquence de ces deux jugements de la Cour suprême américaine concernant l’avortement et les gaz à effet de serre. De l’un, on cherche à protéger la vie à tout prix, mais de l’autre, on prend des mesures anti-environnementales qui polluent l’atmosphère des générations futures et qui fragilisent plus que jamais la pérennité de la vie humaine sur Terre en contribuant à la crise climatique…  

Improbable Charest

Cet article a été publié le 11 mars 2022 dans Le Devoir et Le Soleil de Québec

Photo de Tetyana Kovyrina provenant de Pexels

On le sait depuis toujours. Jean Charest rêve de devenir premier ministre du Canada. Il a raté sa chance autrefois, et maintenant le rêve semble à sa portée. Vraiment ?

M. Charest oublie que ce Parti conservateur est un Reform party 2.0 qui n’a plus rien à voir avec le défunt Parti progressiste-conservateur. Plus le temps passe, plus ce parti ressemble au Parti républicain de l’autre côté de la frontière. Il se dirige à droite de la droite comme nous avons pu le voir avec les appuis de certains conservateurs envers le Convoi de la liberté.

Donc, Jean Charest ne se retrouverait pas dans le même parti qu’avant. Ce qui reste du Parti ­progressiste-conservateur a disparu avec lui lorsqu’il a quitté pour le Parti libéral du Québec. Et Charest n’est pas assez à droite pour diriger ce parti. C’est un conservateur dans la vieille tradition tory, pas un extrémiste religieux et réactionnaire comme l’est la base partisane de l’Ouest du nouveau Parti conservateur… à moins qu’il ne décide d’ouvrir la porte à un contrôle moindre des armes à feu, à la restriction du droit à l’avortement ou même au rétablissement de la peine de mort afin de s’attirer des partisans.

De plus, le dernier chef a justement été désavoué parce qu’il recentrait trop le parti. Un chef Charest ne reviendrait-il pas à la même chose ? Et son passé comme premier ministre du Québec, avec la participation du Québec à la Bourse du carbone et son ancienne étiquette libérale, ne devrait-il pas lui nuire aussi devant les Albertains et l’Ouest conservateur ? Toute cette histoire me semble très improbable…

Du vert conservateur

Cet article a été publié dans le journal Métro Montréal le 16 septembre 2019

À une lointaine époque, j’ai milité pour le Parti vert du Québec, car je croyais à un certain progressisme social et environnemental. Mais, les récentes prises de position de son cousin fédéral me font douter de voter vert au prochain scrutin pancanadien.

Les verts canadiens semblent bien différents de leurs collègues québécois situés plus à gauche. Sa base principale se trouvant dans l’Ouest canadien, ce parti vert peut être considéré comme une aberration au plan idéologique.

En effet, le mouvement politique vert se place idéologiquement à gauche sur le spectre politique, car le programme environnemental qu’il soutient implique nécessairement une réforme socio-économique profonde de la société. Ce n’est manifestement pas le cas ici pour le Parti vert canadien qui s’est positionné, pour sa part, ouvertement pour l’exploitation des sables bitumineux à moyen terme, pour une privatisation des infrastructures d’eau des Premières Nations et pour permettre à ses éventuels députés de voter librement lors d’un possible projet de loi des conservateurs sur le droit à l’avortement – bien que la cheffe Elizabeth May se soit rétractée récemment dans la confusion la plus totale.

D’aucuns pourraient penser qu’avec un parti vert comme ça, nous n’avons pas vraiment besoin d’un parti conservateur…

Le pire ennemi de Stephen Harper

Nous y voilà.  Stephen Harper a réussi son pari.  Il a mené sa formation politique à un pouvoir majoritaire en mettant en échec une opposition divisée et maintenant incapable de contrevenir à ses projets de loi.

Cependant, il devra faire face à un autre ennemi, malgré sa nouvelle omnipotence à la Chambre des Communes.

Désormais, suite aux élections, le chef de l’exécutif, contrôlant autocratiquement tout l’organe du pouvoir et muselant ses députés et ministres depuis son premier mandat,  répondra seul de ses politiques et de leurs conséquences, bonnes ou mauvaises, et ne pourra blâmer quiconque pour ses déboires.

La nouvelle confiance acquise ne comportera pas que des avantages, mais apportera aussi son lot de dérives et de dérapages.  Car, après tout, qui peut s’affirmer réellement conservateur dans l’âme au Canada, à part les Albertains?  Qui remettrait en question le droit des femmes à l’avortement?  Qui approuverait un sabordage de l’État fédéral initié par des coupes sombres dans les programmes sociaux qui ont bâti la société canadienne?  Probablement beaucoup moins de citoyens que Stephen Harper le croit.

Depuis 2006, les partis d’opposition faisaient contrepoids aux velléités trop conservatrices du premier ministre et de ses acolytes.

Après le 2 mai, la situation a changé.

Il devra alors user de retenu et de sagesse dans ses prises de décision, sinon, il s’aliénera rapidement sa base électorale.   Mais cela s’avérera difficile, puisque de nombreux groupes de pression de droite, tels que les dogmatiques religieux ou les associations de libertariens, pousseront d’un seul élan sur celui qu’ils ont appuyé pendant toutes ses années pour faire avancer leurs agendas.

Dès lors, on peut affirmer que son pire ennemi n’est plus l’ensemble de ses détracteurs ou des autres partis, mais bien Stephen Harper lui-même.

Les contradictions de Stephen Harper et de ses conservateurs

Rarement a-t-on vu autant de contradictions dans une gouvernance fédérale.  Le Parti Conservateur de Stephen Harper brandit vainement la menace d’un gouvernement de coalition entre les libéraux, les « socialistes » de Jack Layton et les séparatistes en espérant cacher les incohérences de ses politiques et le péril d’une majorité conservatrice.

La prétention de transparence détonne avec l’opacité des décisions gouvernementales et la Loi sur la responsabilité votée en grande trompe par les conservateurs eux-mêmes après le scandale des commandites.  Conflits d’intérêts, trafics d’influence, nominations partisanes, clientélisme culturel, outrage au parlement, utilisation de l’État à des fins politiques démagogiques se placent en contraste avec l’image éthique et d’ouverture du premier ministre Harper qui contrôle l’accès à l’information et musèle ses ministres ou députés trop encombrants.  Évoquons aussi les fraudes électorales des élections de 2006 avec le stratagème du « In and Out » dénoncé par Élection Canada et les tentatives d’éliminer le financement public des partis politiques pouvant avantager grandement les conservateurs déjà hautement financés par les pétrolières ainsi que le monde des affaires.  Tout ça en parfaite antinomie avec l’allocution du ministre de la défense, Lawrence Cannon, prétendant promouvoir la démocratie à travers le monde tandis que son parti viole les processus démocratiques les plus élémentaires.

L’allégement des taxes aux grandes entreprises, la mesure privilégiée des conservateurs pour appuyer la reprise économique, se porte en porte-à-faux à l’efficacité de la relance. En effet,  il est démontré, selon diverses études, dont celles de Statistique Canada et de la fiscaliste Brigitte Alepin, que l’investissement, qui se doit d’être inversement proportionnel à l’abaissement de la taxation, n’est pas au rendez-vous depuis les années 80.    La cible est ratée quand on considère que ce sont les petites et moyennes entreprises qui contribuent à 80% dans la création d’emplois.

Leur animosité face à l’avortement occulte une inconsistance philosophique profonde de cet aspect du conservatisme social.  Les conservateurs stipulent que seuls les enfants issus d’un mariage sont acceptables, mais enlèvent le droit aux femmes de se faire avorter à la suite d’un viol ou d’une relation amoureuse passagère.  Si l’enfantement n’est digne que dans le cadre des vœux sacrés du mariage, pourquoi alors refuser ce droit à l’extérieur de ceux-ci?

Les conservateurs érigent la famille comme valeur suprême, mais mettent en péril celle-ci en négligeant la protection de l’environnement.  En déniant le réchauffement planétaire et en atténuant la réglementation environnementale à l’exploitation des sables bitumineux, par exemple, ils laisseront à leurs enfants une planète malade et en piteuse état.  Belle façon de protéger sa descendance.

La loi et l’ordre, le crédo conservateur, ne s’arrime pas avec la réalité sociale canadienne.  Le crime est en baisse partout au Canada depuis plusieurs années.  Aussi, leurs attaques incessantes contre le registre des armes à feux, pourtant très utile aux policiers dans leur lutte contre les délinquants, sont incompréhensibles dans une logique de répression du crime. Même la Fédération des policiers municipaux clame avec véhémence l’utilité de ce registre.  De plus, permettre à des jeunes fautifs de 14 ans de purger une peine de prison avec de grands criminels adultes ne fait que perpétuer les comportements antisociaux générant encore plus de criminalité.

La militarisation, dont sont friands les conservateurs, va à l’encontre de leur mantra de réduction de l’État –  le budget de la défense gonflant de manière pléthorique.  Sans compter que les contrats sont donnés à l’extérieur du pays, privant ainsi les travailleurs canadiens de nouveaux emplois, lorsqu’il serait possible, dans certains cas, de les octroyer à l’interne.    Le gouvernement conservateur affirme, pour se justifier, que la majeure partie de l’entretien des avions F-35, par exemple, sera effectué à l’intérieur des frontières, ce qui s’avère erroné selon le Pentagone.  Bilan : les déficits cumulés depuis l’accession au pouvoir du Parti Conservateur atteignent 100 milliards de dollars – même si l’héritage de la précédente administration libérale avait dégagé des surplus de 13 milliards en 2006.  En parallèle, plus de 93 milliards ont été dédiés à l’achat de nouveaux équipements militaires. Très bonne gestion des finances publiques pour un parti prônant la rigueur budgétaire!  Il est ainsi inconséquent d’endetter le pays pour satisfaire le bellicisme des conservateurs.

Face à autant de contradictions, on peut se questionner sur le genre d’électeurs se confortant dans le programme de ce parti politique de droite. Le clientélisme qu’opèrent les conservateurs visant à cibler des segments de l’électorat favorables à telles ou telles promesses électorales semble avoir été récemment porteur pour ces derniers.  Néanmoins, les limites d’une stratégie aussi éclatée cherchant à séduire les uns et les autres risquent d’apparaître sans une ligne directrice et cohérente au niveau pancanadien.  Ce qui manque cruellement pour la formation de Stephen Harper…

Niveau de difficulté de texte selon Scolarius d’Influence Communication :  179 (universitaire)

Le pari conservateur

pcEt c’est reparti. De nouvelles élections auront lieu au Canada en moins de trois ans. Ce dimanche, le premier ministre Stephen Harper a rendu visite à la gouverneure générale afin de lui permettre de déclencher des élections.

Cette tournure des événements en surprend plusieurs. Les conservateurs ont tout de même réussi à faire passer l’ensemble de leurs projets de loi avec une opposition divisée et affaiblie qui se lance la balle d’un parti à un autre afin de retarder le déclenchement d’un scrutin général. Contre toute attente, le premier ministre Harper a décidé à la place des partis d’opposition et convoque les électeurs aux urnes même si cela contrevient à sa propre loi obligeant la tenue d’élections à date fixe.

En fait, seules des raisons opportunistes peuvent motiver le déroulement de ces élections. Le parlement fonctionne relativement bien. Ce n’est pas comme si la machine législative s’était retrouvée au point mort.

Alors, quels sont ces motifs?

– Stephen Harper, en fin stratège qu’il est, veut mettre K.O. l’éternel rival libéral même si le PC hériterait encore d’un mandat minoritaire. Le Parti Libéral du Canada est pratiquement au bord de la banqueroute avec des coffres vides et l’avènement d’élections précipitées le placerait encore plus près du précipice.

– Les derniers sondages favorisent les conservateurs, tout autant au Canada anglais qu’au Québec, et ceux-ci pourraient être tentés de briguer un gouvernement majoritaire On sait qu’un gouvernement majoritaire ne peut se constituer sans un nombre important de députés québécois l’appuyant. Néanmoins, on peut douter du véritable fond conservateur du peuple québécois qui demeure encore suspicieux envers des politiques de droite. On peut le constater avec la baisse marquée de la popularité de l’Action Démocratique du Québec (ADQ) sur la scène provinciale. Au Québec, rien n’est garanti pour les forces conservatrices malgré son récent investissement électoraliste de 4 milliards dans les infrastructures.

– L’actuel premier ministre veut peut-être s’assurer de conserver le pouvoir avant que les scandales (affaire Maxime Bernier- Julie Couillard, Cadman, etc.) ne dérapent encore plus et hypothèquent grandement les chances des conservateurs d’être réélus.

– Le Parti Conservateur du Canada a atteint tous ses objectifs « modérés » et désire maintenant faire passer des législations plus radicales, ce qu’il ne peut faire sans une majorité au parlement. On peut songer ici au projet de loi C-484 contre le droit à l’avortement.

Mais, surtout, ce sont les considérations économiques qui poussent les conservateurs à ouvrir le bal électoral. Le Canada frôle la récession et l’expérience suggère que dans le passé les gouvernements au prise avec un contexte économique peu favorable ont souvent payé le prix en perdant le pouvoir. Cela, Stephen Harper et ses conseillers le savent très bien et n’ont pas hésité à contourner la loi sur les élections à date fixe même si cela soulève des questions d’éthique et coûte des millions de dollars aux contribuables canadiens.

Ici, les bénéfices escomptés pour les conservateurs paraissent plus grands que les pertes éventuelles. Un pari qu’ils sont prêts à relever.