L’État, c’est nous… dirait Stephen Harper

Que cela ne soit la réforme drastique de l’assurance-emploi – du jamais-vu – votée sans consultation d’aucune sorte précarisant les chômeurs ayant pourtant contribué au financement du programme ou le changement d’orientation de l’ACDI passant d’objectifs d’aide humanitaire à une politique néocoloniale appuyée par les entreprises canadiennes à l’étranger ou encore la déréglementation dangereuse pour la santé publique de l’Agence canadienne d’inspection des aliments laissant le champ libre aux producteurs alimentaires dans l’hygiène de leurs installations, il y avait déjà bien des raisons de se questionner sur le caractère autocratique de la gouverne conservatrice.

Toutes ces mesures passent encore, même si contestables, car elles demeurent légales dans le cadre constitutionnel canadien ainsi que dans les paramètres d’un gouvernement majoritaire.

Cependant, la récente nouvelle que les députés conservateurs emploieront désormais la communication écrite permise aux élus pour rejoindre leurs commettants dans un sens partisan – c’est-à-dire pour attaquer la personne du nouveau chef du Parti libéral, Justin Trudeau – soulève une problématique éthique criante, même si Stephen Harper approuve d’emblée cette démarche. Mais, il faut savoir que cette pratique est une première et que le Parti conservateur exploite une faille dans les réglementations du jeu politique, une faille qui, par ailleurs, n’existe pas au Québec où l’on fait une distinction claire à ce niveau entre la fonction du député et sa filiation partisane.

En fait, l’éthique est plutôt élastique chez les conservateurs. Il y a quelques années, des députés conservateurs avaient usé du même stratagème dans leurs circonscriptions, mais, devant l’inaction subséquente d’Élection Canada, le PC a opté maintenant pour l’application généralisée de cette tactique dans sa lutte contre les libéraux. Donnez-leur un pouce, et ils prendront trois pieds…

Mais, il y a plus.

En 2009, 47 députés et ministres conservateurs ont posé fièrement devant des chèques géants signés de leurs mains et arborant le logo du Parti conservateur… même si ces fonds alloués pour divers projets gouvernementaux étaient directement puisés du Trésor public canadien! Le député libéral, David McGuinty, a vivement dénoncé cette manœuvre: « La confusion entre les fonds gouvernementaux et partisans rappelle des situations que l’on constate régulièrement dans les pays en développement, qui n’ont pas encore de structure démocratique solide. »

Autre chose : tout récemment, on a éliminé les mots « Environnement Canada » sur le site météorologique du gouvernement fédéral, comme si l’on voulait éradiquer toute référence à la protection de l’environnement sur les portails internet de l’État. De plus, le fond de page, habituellement vert, a été changé pour le bleu… couleur du Parti conservateur!

Sur le plan communicationnel, depuis l’accession des conservateurs au pouvoir, les critiques ne cessent de pleuvoir sur les entraves à l’accès à l’information des données du gouvernement.

Depuis 2008, le Conseil du Trésor a laissé tomber la mise à jour du Système de coordination des demandes d’accès à l’information (SCDAI). Cette base de données électronique permettait depuis 2003 à tout citoyen ou organisme d’accéder à des renseignements sur la gestion du gouvernement fédéral.

De plus, une étude internationale, datant de février 2013, place le Canada bon dernier parmi les démocraties parlementaires sur la question de la libre circulation de l’information gouvernementale. Une chute surprenante depuis 2011 : le Canada a passé du 40e rang au 55e, juste derrière la Mongolie et la Colombie!

Explication? Il est connu que toutes les communications de l’État fédéral doivent passer obligatoirement par le bureau du premier ministre Harper pour approbation.  Encore une fois, une méthode inédite jamais pratiquée dans les gouvernements précédents minant les principes démocratiques pourtant acquis depuis des décennies…

« L’État, c’est moi », lançait jadis le roi Louis XIV à ses parlementaires… et notre chef de gouvernement canadien, Stephen Harper, fier porte-drapeau du monarchisme britannique, assimile fort bien le concept sous-jacent à cette formulation dans son exercice du pouvoir exécutif… quitte à faire reculer le Canada des décades en arrière.

Transparence et intégrité clamait Stephen Harper en 2006… pourtant, l’expérience de six années d’administration conservatrice amène le constat contraire.

Bref, la séparation du Parti et de l’État pour Stephen Harper ne constitue pas un enjeu crucial. Comme dans toutes les dictatures fascistes, communistes ou les monarchies absolutistes, « l’État, pour les conservateurs, c’est nous. »

Réforme de l’Assurance-emploi: deux poids, deux mesures

La réforme de l’assurance-emploi suscite de nombreuses controverses de la part des associations et des groupes de défense des travailleurs quelques jours seulement après son application.

L’instauration de mesures coercitives jugeant tout chômeur comme un fraudeur potentiel et le forçant à rechercher un emploi à moindre salaire et à une heure de son lieu de résidence ainsi que les récentes révélations sur les quotas imposés aux fonctionnaires de Service Canada font planer encore plus de doutes sur cette ré-ingénierie de l’assurance-emploi entérinée sans aucune consultation et dictée davantage par des préoccupations idéologiques que par des analyses judicieuses de la problématique du chômage.

Dans une vision intrinsèquement néolibérale, trouvant ses racines dans la culture bien-pensante des puissants et des nantis, les conservateurs cherchent à décourager au maximum le recours à l’assistance de l’État pour les sans emplois en compliquant leur admissibilité le plus possible. Citons l’hebdomadaire libéral The Economist qui écrivait, en 2010, cet énoncé : « Il y a deux manières de favoriser le retour au travail des chômeurs: l’une est de rendre inconfortable ou précaire la vie de ceux qui reçoivent une allocation chômage; l’autre consiste à faire que la perspective d’un emploi devienne viable et attirante.»

Et cette attitude paternaliste envers les chômeurs – sous prétexte de leur rendre service – ne date pas d’hier.  Benjamin Franklin, l’un des pères de la constitution américaine, affirmait, en 1766 : «  Plus on organise des secours publics pour prendre soin des pauvres, moins ils prennent soin d’eux-mêmes et, naturellement, plus ils deviennent misérables. Au contraire, moins on fait pour eux, plus ils font pour eux-mêmes, et mieux ils se tirent d’affaire .»

Pourtant, les conservateurs ne semblent pas transposer cette même logique aux entreprises, logique qui dicterait que moins on les appuie, plus elles deviendraient prospères!

Avec la crise financière, les banques ont obtenu 114 milliards $ d’aide financière du gouvernement conservateur. Ironique, car ce sont ces mêmes institutions financières qui ont creusé leur propre tombe par leur laxisme et provoqué la débâcle financière. Selon le raisonnement que l’on applique aux chômeurs, l’État fédéral n’aurait jamais dû consentir un centime aux banques, pour leur propre bien!

Autre exemple : le Canada subventionne à raison de 2,8 milliards $ par année l’industrie pétrolière… même si ces sociétés de l’or noir engrangent des milliards de profits! Pure contradiction avec la médecine servie aux chômeurs…

Et, finalement, le cas le plus patent: de 2000 à 2010, le fédéral diminua de 28% à 15% le taux d’imposition général des entreprises. De cette façon, selon le credo néolibéral, les entreprises devaient créer plus d’emplois en raison de l’allègement de leur fardeau fiscal.  Or, de nombreuses études en sont venues à la conclusion contraire : la baisse des impôts des entreprises devant supposément stimuler l’investissement n’a jamais concordé avec une baisse du chômage.

En fait, au lieu d’investir dans la main-d’œuvre, les entreprises ont préféré verser ces montants à leurs actionnaires ou spéculer sur les marchés financiers.  Ainsi, on récompense les entreprises de ne pas avoir engendré de nouveaux emplois et on fait payer les travailleurs pour l’incompétence des PDG de ces entreprises!

En conclusion, le mépris des conservateurs et des milieux d’affaires envers le salariat frise l’indécence.  Ils se proclament « Champions de l’économie », mais font tout pour miner la situation économique à longue échéance.  Cependant, le gouvernement conservateur devrait être sur ses gardes. Les rangs de chômeurs risquent de croître lorsque la crise mondiale atteindra réellement les frontières du Canada….ce qui pourrait leur nuire sur le plan électoral lors des prochaines élections.

Les beaux discours de Michael Ignatieff

En fin stratège, le nouveau chef du Parti Libéral du Canada semble diriger sa formation vers la gauche en épousant la cause des travailleurs sans-emplois dans l’espoir de prendre le pouvoir.  La droite étant largement occupée par le Parti Conservateur de Stephen Harper, Michael Ignatieff se doit de conquérir un terrain plus facile à investir où la division perdure.  Ainsi, il louche vers le centre-gauche en espérant recueillir un bon nombre d’électeurs du Nouveau Parti Démocratique ainsi que du Bloc Québécois.

Cependant, ses déclarations concernant l’assouplissement des conditions d’admissibilité à l’assurance-emploi et l’établissement d’une taxe sur le carbone traduisent un électoralisme flagrant.

À propos de la diminution du nombre d’heures de travail nécessaires pour obtenir des prestations d’assurance-emploi, une demande copiée sur les revendications des deux autres partis d’opposition, il faut se remémorer que Jean Chrétien, ancien premier ministre libéral, avait procédé à l’implantation de restrictions majeures en 1996-97 dans ce programme d’aide aux chômeurs.  Alors, devrions-nous croire le nouveau chef du PLC dans sa volonté de défaire ce que l’un de ses prédécesseurs a mis en place ?  Cela ne signifierait-il pas un désaveu de l’héritage du Parti Libéral du Canada ?

Au sujet d’une taxe sur le carbone, l’intention est bonne.  Mais, encore une fois, il faut regarder vers le passé pour constater que même après la signature du protocole de Kyoto, les libéraux au pouvoir n’ont pas levé le petit doigt afin de promouvoir une réduction significative des gaz à effet de serre selon les objectifs de cette entente internationale.   Comme le Parti Conservateur, et contrairement au Nouveau Parti Démocratique, le PLC accepte des dons de grandes entreprises qui voient depuis toujours d’un mauvais œil toute législation environnementale trop restrictive. En fait, il parle et parle d’environnement, mais lorsque le moment est venu d’agir, il retourne sa veste afin de satisfaire ses contributeurs électoraux.

En somme,  Michael Ignatieff, lors de son congrès d’investiture, nous a servi un beau discours que nous sommes habitués d’entendre de la part d’un chef libéral.  Un discours répétitif qui ne mène, finalement, jamais à rien.  Nous avons pourtant eu dix ans d’expérience sous le mandat de Jean Chrétien pour évaluer la mauvaise foi et l’hypocrisie des libéraux fédéraux.  Il faut plus que jamais en tenir compte devant la hausse des intentions de vote du PLC dans les derniers sondages.