Twitter et les médias d’information

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 18 avril 2023 et dans Le Devoir, le 21 avril 2023

Twitter a étiqueté CBC, le pendant anglophone de Radio-Canada, comme média financé par un gouvernement, au même titre que des médias d’information de pays au régime autoritaire tels que la Russie ou la Chine, comme si, aux yeux du nouveau propriétaire de Twitter, tout média financé par le public est nécessairement partial, propagandiste et porteur de désinformation.

Ce réseau social passe sciemment sous silence le fait qu’une entreprise d’information publique comme CBC/Radio-Canada (reconnue d’ailleurs mondialement) rehausse la qualité de l’information au pays avec des émissions aux contenus culturels, des enquêtes et de grands reportages à l’étranger, tandis que le privé a tendance à aller au plus petit dénominateur commun avec des émissions de téléréalité insipides et une programmation souvent empreinte de sensationnalisme pour gonfler les cotes d’écoute.

De plus, en quoi un média d’information privé aurait-il plus le monopole de la vertu journalistique ? Souvent chapeautés par de grands conglomérats, les médias privés doivent répondre à des impératifs de rentabilité, fréquemment au détriment de l’objectivité de leurs journalistes, qui s’imposent eux-mêmes une censure de peur de contrevenir à l’idéologie politique des propriétaires de ces médias, quitte à propager de la fausse information afin de leur plaire (pensons à Fox News, aux États-Unis, qui a présentement des démêlés avec la justice pour une affaire de désinformation liée à la dernière élection présidentielle).

Twitter n’est pas à sa première fronde contre les médias d’information. Il a déjà suspendu des comptes de journalistes et a appliqué le même qualificatif « affilié à un État » à des médias américains et britanniques publics ou semi-publics pourtant renommés pour la qualité de l’information, tout comme CBC. De manière plus inquiétante, le réseau social a même réintégré des comptes autrefois suspendus pour des cas patents de désinformation et de propos d’extrême droite.

Le nouveau patron de Twitter proclame haut et fort vouloir protéger la liberté d’expression, mais agit dans les faits de façon contradictoire et même contraire aux valeurs démocratiques sous-jacentes à ladite liberté d’expression.

Photo de greenwish _: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/main-smartphone-internet-porter-13240226/

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Des baisses d’impôt ploutocratiques

Cet article a été publié dans le magazine Le ZigZag, La voix des citoyens, le 24 mars 2023

On se demande bien pourquoi le gouvernement Legault octroie une baisse d’impôt à la sortie d’une élection aux résultats quasi historiques dont il est sorti pourtant grand gagnant? La règle générale dicte plutôt qu’un gouvernement procède à une réduction d’impôt à la fin de son mandat, pas au début. Alors, comment expliquer cela?

La toute première chose à souligner est le caractère peu démocratique de cette réduction d’impôt qui avantage, selon plusieurs économistes, les citoyens dont les revenus se situent aux paliers supérieurs d’imposition – il en est de même pour les chèques de 500 $ distribués il y un an à l’ensemble des citoyens sans rapport à leurs revenus.

Cela traduit de la part du gouvernement Legault une vision conservatrice de la société qui ne fait pas de distinction entre les individus et leurs positions dans l’échelle sociale et ne tenant aussi pas compte des difficultés sociales et économiques des citoyens les plus pauvres. Ainsi, on met sur pied une politique de réduction d’impôt selon l’impôt payé des individus et non selon leurs besoins ( qui sont criants pour certains).

Il est facile de comprendre l’attitude de ce gouvernement, composé pour la plupart d’hommes et de femmes d’affaires, qui constitue en sorte une nouvelle bourgeoisie canadienne-française ayant enfin pris le pouvoir. Doutant du modèle social-démocrate québécois qui a pourtant permis leur émergence, ces hommes et ces femmes politiques appliquent ce qu’on leur a appris dans les différentes écoles de commerce et gèrent la province comme on gère une entreprise sans considération sociale ou écologique.

Enfin, le plus triste dans tout cela est que ce gouvernement avec une telle cote d’approbation dans la population pourrait procéder à des réformes majeures pour la protection de l’environnement, pour la transition énergétique ou la lutte à la pauvreté et à la faim dans notre société. Mais il préfère rester au business as usual. On l’a bien vu avec son laxisme dans le dossier de la Fonderie Horne et ses rejets toxiques, son entêtement à construire le troisième lien entre Québec et Lévis et son manque de volonté à financer les banques alimentaires…

Photo de Tima Miroshnichenko: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-riche-argent-porter-6266641/

La machine

Cet article a été publié dans Le Soleil, le 11 février 2023

Faisant écho à l’âge de recul de la retraite en France, le gouvernement du Québec envisage le report de l’âge de l’obtention des rentes du Québec au-delà de 60 ans. 

Pourtant, de récentes évaluations actuarielles confirment la viabilité du régime pour les prochaines cinquante années. Comment alors expliquer cet empressement de report de l’âge de l’admissibilité à la RRQ? On évoque évidemment le manque de main-d’œuvre et l’allongement de l’espérance de vie, surtout du côté patronal qui désire perpétuer ses activités commerciales sans contrainte.

Du point de vue du travailleur salarié, il s’agit toutefois d’un repli. Nous avons souvent entendu parler de l’avènement de la société des loisirs, de la réduction du travail et d’une augmentation de la qualité de vie dans le futur. Mais ce qu’on nous propose ici correspond bien à une régression. 

Le progrès associé à l’industrialisation et à la modernité qui consiste, en théorie, à améliorer les conditions de vie des hommes et à les libérer de plus en plus du labeur n’était-il pas au final qu’une illusion? Les impératifs économiques du capitalisme passent-ils toujours devant le bien-être des individus?

De plus, il demeure incompréhensible, avec les dernières avancées technologiques comme la robotisation qui promettait d’être miraculeuse et tout récemment le développement surprenant de l’intelligence artificielle, que l’idée d’un recul de l’âge de recevabilité des prestations de retraite soit la meilleure solution aux problèmes liés à la production et au monde du travail — concrétisant ainsi un échec sociétal flagrant.

Au 19e siècle, les ouvriers des usines faisaient tourner les machines des industriels sans relâche avec de longues et pénibles journées de travail. Il a fallu de nombreuses grèves, parfois sanglantes, instiguées par les syndicats de l’époque pour faire stopper les machines afin de faire comprendre aux capitaines de l’industrie les revendications des ouvriers et alors diminuer leurs nombres d’heures de travail au détriment de la soif de profits.

Peut-être sera-t-il indispensable pour nous de faire grève prochainement, comme de nombreux salariés français ces temps-ci, pour aussi faire arrêter cette machine du capital qui ne cesse de tourner, afin de lui faire comprendre également nos récriminations et notre droit de jouir pleinement de la vie… et de notre retraite.

Photo de Jeriden Villegas sur Unsplash

Conservatisme, progressisme et question nationale

Qu’est-ce qui peut expliquer la montée soudaine en popularité du Parti conservateur du Québec ? La pandémie, les mesures sanitaires, la présidence de Donald Trump et la venue d’un ancien animateur d’une radio-poubelle en tant que chef furent assurément des catalyseurs de la récente progression de ce parti. Mais existe-t-il des facteurs politiques ou sociologiques sous-jacents à ce phénomène ? Laissez-moi formuler une hypothèse.

La question nationale a toujours été, au cours de l’histoire du Québec, un thème central caractérisé par un jeu de balancier entre l’autonomisme et le souverainisme. Et historiquement, il est possible de constater que l’autonomisme a été souvent accompagné d’un certain conservatisme et le souverainisme fut, au contraire, habituellement porteur de progressisme, comme si le dessein d’égalité entre les peuples amenait naturellement l’aspiration à l’égalité entre les individus.

À l’époque de l’ancien Parti conservateur du Québec et de l’Union nationale qui lui a succédé, l’autonomisme face au gouvernement central fut l’une des pièces maîtresses de l’idéologie conservatrice de Duplessis. Quelques années plus tard avec la Révolution tranquille initiée avec Jean Lesage, on assista dès lors à la construction d’une société sociale-démocrate et d’un éveil de la volonté d’émancipation du peuple québécois qui débouchèrent sur la cause souverainiste et ultimement sur la fondation du Parti québécois de René Lévesque, un ancien ministre sous le gouvernement Lesage. Le PQ de ce temps pouvait alors être considéré de centre gauche.

Après l’échec des référendums de 1980 et de 1995, une nouvelle ère de conservatisme en parallèle à un recul de la cause souverainiste semble s’implanter avec en premier lieu la chefferie de Lucien Bouchard au Parti québécois (ancien ministre conservateur au fédéral), les mandats du premier ministre libéral Jean Charest (ancien chef conservateur au fédéral) et en parallèle une députation accrue lors des élections de 2007 de l’Action démocratique du Québec avec un programme à connotation conservatrice.

En 2018, la Coalition avenir Québec gagne les élections en obtenant la majorité à l’Assemblée nationale. De tendance plutôt conservatrice, surtout sur le plan économique, la CAQ prétend également avoir une position ouvertement autonomiste face au gouvernement fédéral.

Enfin, dans une dynamique semblable, le Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime représente probablement aussi une conséquence du désenchantement pour la cause souverainiste et il affiche tout autant une forte tendance autonomiste dans son programme. Mais, ici, cette formation politique semble aller encore plus loin dans le conservatisme idéologique en défendant une forme exacerbée de la liberté individuelle et de remise en question du modèle québécois, comme s’il s’agissait d’un ultime repli vers le chacun pour soi après l’échec crève-cœur d’un projet collectif d’émancipation nationale ayant suscité beaucoup d’espoir pour l’avenir…

Conservez-nous des conservateurs

La montée dans les intentions de vote du Parti conservateur du Québec avec à sa tête Éric Duhaime nous donne un avant-goût d’une possible américanisation de la politique québécoise.

La politique de la division, ou le wedge politics, surtout employée par les conservateurs américains, semble être au cœur de la stratégie électorale de Duhaime. En polarisant à l’extrême une certaine frange de l’électorat sous l’impulsion de la pandémie et des mesures sanitaires, il espère cristalliser des votes à son avantage avec des déclarations-chocs, comme celle, entre autres, « de faire entrer la grogne au parlement  » — des mots inappropriés et irresponsables après les tristes événements du 6 janvier 2021 à Washington.

Grand admirateur du « miracle chilien » du dictateur Pinochet, il prévoit aussi transformer radicalement la société québécoise à l’image des États américains les plus à droite : casser les syndicats, déréglementation à tout-va, privatisation de tout ce qui peut être privatisé (Sociétés d’État, santé, etc.) et démantèlement de l’État-providence pour le livrer aux grands intérêts privés — ce qui est pourtant une politique économique de type néolibéral dont certains économistes du FMI remettent en question l’efficacité depuis quelques années.

Pour monsieur Duhaime, l’environnement et le réchauffement climatique ne sont pas des enjeux et il veut aller de l’avant avec l’exploitation optimale des réserves de carburants fossiles sur le territoire québécois. Pour les conservateurs, comprenons-le bien, toute législation, qu’elle soit sociale, économique ou environnementale est une entrave à la liberté individuelle et surtout à celle du monde des affaires. Mais quelle sorte de liberté hériteront nos enfants si nous continuons à exploiter encore plus les carburants fossiles ?

Libres chez nous, clame-t-il. Mais serions-nous plus libres sans aucun levier étatique ou collectif pour protéger la minorité continentale que nous sommes, pas seulement au plan linguistique, mais aussi au plan socio-économique lorsque la qualité de vie des Québécois est pourtant actuellement l’une des meilleures au monde ?

Si l’on appliquait ce que le Parti conservateur du Québec professe, les Québécois seraient à la merci des aléas du marché et des multinationales, tout comme nous l’étions à l’époque de Maurice Duplessis. À quoi sert-il alors de se « libérer  » de l’État (que monsieur Duhaime pourfend depuis toujours), si c’est pour se trouver un nouveau maître dans l’implacable grand capital?

La dérive identitaire

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 10 juin 2022

Le recrutement de Bernard Drainville par la CAQ a eu l’effet d’un tremblement de terre selon certains. On évoque dès lors la confirmation de la disparition prochaine du Parti québécois du paysage politique et la consécration du virage identitaire de la CAQ recrutant en grande pompe le fondateur du défunt projet de loi sur la  « Charte des valeurs québécoises » du dernier gouvernement péquiste, une loi qui aurait été encore plus restrictive que l’actuelle loi 21 (sur la laïcité de l’État) si elle avait été adoptée à l’époque.

On peut se demander comment le nationalisme du temps de René Lévesque a-t-il pu évoluer ainsi? Voici que d’un nationalisme plutôt inclusif et émancipateur, le peuple québécois glisse lentement vers son opposé, un nationalisme fermé et réactionnaire.

La CAQ semble devenir progressivement le refuge de tous les nationalistes déçus cherchant un exutoire. À défaut de réussir la souveraineté politique, on se réfugie maintenant dans la lutte pour les « valeurs culturelles », pour la protection du français et pour un contrôle accru en immigration comme planche de salut d’un peuple qui hésita, deux fois plutôt qu’une, à faire le grand saut vers l’indépendance.

Bien que cela soit compréhensible dans le contexte d’un recul du français au Québec, cette nouvelle approche nationaliste n’est toutefois pas sans péril.  Si l’histoire nous apprend quelque chose, c’est que les possibilités de dérive vers un nationalisme revanchard, xénophobe et chauvin aux graves conséquences sont bien réelles et ne relèvent pas de l’utopie — surtout dans un proche avenir dans lequel l’immigration sera de plus en plus présente afin de contrecarrer le vieillissement de la population et de combler le manque de personnel autant dans les services publics que l’entreprise privée.  

Espérons que les Québécois seront assez sages pour choisir ultimement une autre façon que ce type de nationalisme afin d’exprimer leur sentiment national ainsi que leur inquiétude face à leur survie.

Un Québec à tribord

Cet article a été publié dans Le Devoir, le 25 mars 2022 et dans Le Soleil, le 26 mars 2022

Photo de Evan Velez Saxer provenant de Pexels

Nous apprenions cette semaine, à la suite de la divulgation d’un sondage Mainstreet, que le Parti conservateur du Québec arriverait en deuxième position dans les intentions de vote, devant le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois. À la lumière de ces résultats, l’hypothèse que le PCQ forme l’opposition officielle, quoiqu’improbable, s’avère possible. Dans l’avènement de ce scénario, que cela nous apprendrait-il de l’évolution politique du Québec contemporain ?

Tout d’abord, pour la première fois de son histoire, l’Assemblée nationale serait dominée par un parti au pouvoir et un parti d’opposition ancrés tous les deux résolument au centre droit et à la droite de l’échiquier politique : la CAQ de François Legault, avec son programme autonomiste et nationaliste à la Duplessis teinté d’une profession de foi envers le libéralisme économique, face à un Parti conservateur d’Éric Duhaime qui baigne dans les eaux du libertarianisme, de l’antisyndicalisme et de la privatisation à tout-va.

Ensuite, certains pourraient dire, advenant cette éventualité, qu’il s’agirait d’une rupture avec la période de la Révolution tranquille, qui a permis l’émergence d’une classe d’hommes et de femmes d’affaires ayant maintenant saisi les rênes du pouvoir de la scène politique québécoise tout en remettant en question les acquis de la Révolution tranquille dont ils et elles ont paradoxalement bénéficié.

Je me demande bien ce que penseraient les dignes représentants des générations des grandes luttes syndicales et des aspirations souverainistes que sont Michel Chartrand et Pierre Falardeau, aujourd’hui malheureusement décédés, en constatant que tous les idéaux pour lesquels ils se sont battus risquent de tomber aux oubliettes chez une population québécoise qui semble avoir perdu ses repères. Mais il s’agit encore ici de pure spéculation… jusqu’aux élections.

Improbable Charest

Cet article a été publié le 11 mars 2022 dans Le Devoir et Le Soleil de Québec

Photo de Tetyana Kovyrina provenant de Pexels

On le sait depuis toujours. Jean Charest rêve de devenir premier ministre du Canada. Il a raté sa chance autrefois, et maintenant le rêve semble à sa portée. Vraiment ?

M. Charest oublie que ce Parti conservateur est un Reform party 2.0 qui n’a plus rien à voir avec le défunt Parti progressiste-conservateur. Plus le temps passe, plus ce parti ressemble au Parti républicain de l’autre côté de la frontière. Il se dirige à droite de la droite comme nous avons pu le voir avec les appuis de certains conservateurs envers le Convoi de la liberté.

Donc, Jean Charest ne se retrouverait pas dans le même parti qu’avant. Ce qui reste du Parti ­progressiste-conservateur a disparu avec lui lorsqu’il a quitté pour le Parti libéral du Québec. Et Charest n’est pas assez à droite pour diriger ce parti. C’est un conservateur dans la vieille tradition tory, pas un extrémiste religieux et réactionnaire comme l’est la base partisane de l’Ouest du nouveau Parti conservateur… à moins qu’il ne décide d’ouvrir la porte à un contrôle moindre des armes à feu, à la restriction du droit à l’avortement ou même au rétablissement de la peine de mort afin de s’attirer des partisans.

De plus, le dernier chef a justement été désavoué parce qu’il recentrait trop le parti. Un chef Charest ne reviendrait-il pas à la même chose ? Et son passé comme premier ministre du Québec, avec la participation du Québec à la Bourse du carbone et son ancienne étiquette libérale, ne devrait-il pas lui nuire aussi devant les Albertains et l’Ouest conservateur ? Toute cette histoire me semble très improbable…

Médias et complotisme

Cet article a été publié le 31 janvier 2022 dans le journal Le Soleil et Métro Montréal

Photo de Produtora Midtrack provenant de Pexels

Les manifestations se déroulant à Ottawa nous montrent encore le spectacle de la grande méfiance, voire de la haine envers les médias, de tous ceux qui gravitent autour du complotisme – plusieurs journalistes ayant été harcelés lors de l’événement, comme ce fut aussi le cas dans plusieurs autres événements du genre.

« Les médias nous mentent », voilà le mantra de ces protestataires qui préfèrent donner toute leur confiance à des réseaux sociaux inondés de désinformation. Nous pourrions bien donner du poids à une telle assertion, mais rien de probant ne permet d’arriver à une telle conclusion.

Tout d’abord, le journalisme est un programme universitaire qu’un bon nombre de journalistes suivent et le Conseil de presse du Québec peut blâmer les inexactitudes et la démagogie de certains journalistes ou chroniqueurs.

De plus, affirmer que tous les médias du Québec, du Canada ou même du monde font partie d’un grand complot relève d’une méconnaissance profonde du milieu de l’information et de l’histoire des démocraties libérales. Au contraire des dictatures les plus implacables qui contrôlent intégralement la diffusion de l’information afin de protéger leurs régimes, notre système politique accepte la diversité des sources d’information en permettant à plusieurs acteurs médiatiques de couvrir l’information, la transmettre et aussi de l’interpréter par des analyses et des chroniques. Ainsi, le gouvernement et l’opposition peuvent se faire entendre sur diverses tribunes et ils ne contrôlent donc pas unilatéralement le flux d’information.

D’autres affirment que les médias sont « achetés » par le gouvernement. Il est un fait que les médias, écrits surtout, ont de la difficulté à rivaliser avec Google, Facebook et consorts qui grugent une grande partie de leurs anciens revenus en détournant la publicité et en diminuant leurs abonnements. Le Québec et bien d’autres gouvernements dans le monde subventionnent alors les médias d’information afin d’en préserver l’existence et permettre une multiplicité des sources d’information vitale en démocratie. Il s’agit tout de même d’un phénomène relativement récent et ce soutien gouvernemental ne constitue pas un trait historique fondamental des démocraties libérales. En fait, avant l’avènement d’internet, c’était plutôt chose rare.

Par ailleurs, il est hautement improbable qu’un complot ourdi par des groupes obscurs au niveau planétaire ait prise dans un environnement médiatique dont les acteurs peuvent être de différentes allégeances politiques (gauche ou droite) et être de propriété privée, publique ou coopérative. Inévitablement, une fuite mettant à jour la mascarade coulerait.

Enfin, il est aisé de critiquer les médias et la profession journalistique. Certes, comme toute activité humaine, il peut y avoir des dérapages et des erreurs. Cependant, la garantie d’une information aux pôles multiples, malgré ses défauts, est une assurance contre la désinformation propagée en ligne et un rempart aux forces antidémocratiques qui tentent de saper la tradition et les institutions démocratiques dans l’objectif d’obtenir le pouvoir dans un but contraire à l’intérêt collectif.

À l’école comme dans la société​ ​

Cet article a été publié dans le journal Métro Montréal le 28 novembre 2019

Nous apprenions récemment que La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) intente une poursuite contre le gouvernement du Québec à propos de la Loi 21 sur la laïcité de l’État sur les bases d’une atteinte aux droits fondamentaux de ses membres. Mais des idéaux plus grands sont aussi défendus dans cette démarche.​

Essentiellement, l’école joue un rôle de microsociété visant à préparer les enfants à la vie en communauté et a aussi comme devoir d’inculquer des valeurs de diversité et de respect aux futures générations. De plus, la connaissance que diffusent les institutions d’enseignement entre en conflit avec l’esprit de cette loi qui vise à camoufler les différences et à faire rentrer les enseignant.es dans le moule de la majorité en niant ces différences présentes dans la société, des différences auxquelles devront un jour ou l’autre faire face les élèves une fois adultes.​

D’autre part, même si le gouvernement Legault a utilisé la clause dérogatoire, il s’agit toujours d’une législation instituant la discrimination à l’embauche selon la religion si l’on considère que les enseignant.es oeuvrant dans les écoles privées du Québec ne subissent pas le même préjudice.​

Le vivre-ensemble s’apprend tout d’abord à l’école, qui demeure la première expérience sociale à grande échelle des enfants. Ne pas balayer la diversité sous le tapis à l’école favorise une meilleure cohésion sociale dans une société au profil culturel voué à se modifier avec la venue de nouveaux arrivants dont le Québec a grandement besoin pour assurer son avenir.

 

metro nov19