Peu de Québécois comprennent l’importance du combat contre la hausse des droits de scolarité. Au-delà des calculs et des coûts, le nœud du débat se situe ailleurs, c’est-à-dire dans l’avenir d’une société juste et équitable que nous voudrions léguer à nos enfants et petits-enfants.
L’éducation est le premier et le dernier jalon de l’établissement de la démocratie politique, mais aussi le fondement de la justice sociale dont dépend la pérennité de la culture démocratique.
Sans la diffusion tous azimuts de l’éducation supérieure dans la population, le phénomène de polarisation des richesses, d’accaparation de privilèges au seul bénéfice des élites et l’abrutissement de la masse devenue servile deviennent la norme.
Nous, Québécois, devrions pourtant bien le savoir. Sous la Grande Noirceur, l’analphabétisme et l’ignorance populaire maintenaient la nation québécoise sous le joug du clergé et des notables tandis que des compagnies américaines pillaient nos ressources avec comme seule base de redevance le principe duplessiste « d’une cenne la tonne ».
La démocratisation de l’éducation supérieure implantée dans les années 60 a fait sortir les Québécois de leur rôle de porteur d’eau et a permis leur appropriation des leviers du développement économique. Ce retour du pendule dans l’autre sens avec cette hausse des droits de scolarité minerait tout ce que nous avons accompli : le Ministère de l’Éducation lui-même estime que celle-ci empêchera 7 000 personnes d’accéder à des études universitaires. Qui plus est, selon les Nations Unies, plus les droits de scolarité sont élevés, plus l’indice du développement humain (IDH) est faible. Comme quoi l’éducation est et demeure la richesse la plus importante de chaque nation.
Mais n’essayez pas de faire entendre raison au gouvernement libéral de Jean Charest. Plusieurs avenues étaient possibles pour renflouer les coffres des universités – comme faire le ménage dans la bureaucratie et les avantages princiers des recteurs -, surtout lorsqu’on considère que la nouvelle contribution estudiantine demandée ne correspond qu’à un minime 5% du budget total des universités.
Le choix est donc purement idéologique, malgré les sorties lénifiantes de la ministre Line Beauchamp.
L’opposition à ce renchérissement des tarifs universitaires n’est donc pas anodine. C’est le premier front de l’équité sociale ainsi que de la préservation des idéaux solidaires sur un continent nord-américain où tout ce qui a de la valeur doit nécessairement avoir un prix exorbitant.
Niveau de difficulté de texte selon Scolarius d’Influence Communication : 180 (universitaire)
L’enjeu de base lui-même, soit la contestation de la hausse des droits de scolarité, quoique important, camoufle de fait l’idéologie qu’il y a derrrière l’intention du gouvernement de hausser les tarifs de tous les services publics.
Le concept de «juste part» colporté par le gouvernement est en fait l’apologie d’une justice centrée sur l’individu, la compétition entre les citoyens et la responsabilité exclusivement individuelle. Comme on peut le lire dans ce brillant Devoir de philosophie, cette justice n’en a que le nom…
Le «solidarisme» de Léon Bourgeois contre la «juste part» de Bachand
http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-de-philo/345814/le-devoir-de-philo-le-solidarisme-de-leon-bourgeois-contre-la-juste-part-de-bachand
C’est une régression opérée par des tarifications régressives, même en éducation.
La justice des riches se cache derrière une argumentation fallacieuse : celle de dire que tous le monde paient pour eux et que c’est donc injuste. Mais, en brisant le concept d’universalité, ils obligent la masse à payer des tarifs sans contrepartie de leurs revenus.
Il vaut mieux qu’une minorité retire quelques avantages (relativement car ils déboursent en théorie plus d’impôt) que la majorité perdent des avantages qui lui sont nécessaires.
Imaginez que les citoyens aux yeux bruns étaient plus pauvres, en moyenne, que les autres citoyens.
Disant vouloir répartir plus également la richesse, le gouvernement décide d’accorder une subvention de 30 000 $ à chacun des citoyens aux yeux bruns.
Certaines personnes s’objectent à ces subventions en disant qu’on favorise ainsi les citoyens aux yeux bruns, dont les millionnaires aux yeux bruns.
Les supporteurs des subventions leur objectent qu’il suffira d’augmenter de plus de 30 000$ les impôts des millionnaires pour que les millionnaires aux yeux bruns ne soient pas avantagés par cette politique.
Percevez-vous les injustices sociales engendrées par cette politique, malgré la dernière affirmation des supporteurs des subventions?
Si non, en voici deux exemples :
– Une personne gagnant 1 million $, aux yeux d’une autre couleur que brun, sera amené à payer le même montant d’impôt qu’une personne aux yeux bruns gagnant 1 million $. Mais la première ne recevra pas de subvention de 30 000 $ comme en recevra la dernière. En quoi serait-il équitable de relativement favoriser de 30 000 $ la millionnaire aux yeux bruns par rapport à la millionnaire aux yeux d’une autre couleur que brun?
– Une personne gagnant 5 000 $, aux yeux d’une autre couleur que brun ne recevra pas la subvention de 30 000 $ comme en recevra une personne aux yeux bruns gagnant 5 000 $. En quoi serait-il équitable de relativement favoriser de 30 000 $ la pauvre aux yeux bruns par rapport à la pauvre aux yeux d’une autre couleur que brun?
Ne retrouve-t-on pas les mêmes formes d’injustices sociales avec le financement public des études postsecondaires?
Sans intervention de l’État, les diplômés d’études supérieures se retrouveraient avec des revenus disponibles imposables équivalent à leurs revenus totaux moins les coûts de leurs formations postsecondaires. Certains se retrouveraient avec des revenus disponibles imposables de 5 000 $; d’autres avec des revenus de 1 millions $ (Mais, comme vous dites, les études supérieures mènent généralement à des revenus supérieurs, et à de nombreux autres avantages… ce qui fait que les subventions sous forme de financement public des études supérieures favorisent des personnes qui seraient déjà relativement favorisées même sans ces subventions).
Avec le financement public des études supérieures, on favorise les personnes effectuant (ou ayant effectué) des études supérieures rapport aux autres citoyens gagnant les mêmes revenus qu’eux. En quoi peut-on soutenir qu’il s’agit là du « premier front de l’équité sociale ainsi que de la préservation des idéaux solidaires »?
En quoi devrait-on présumer qu’un étudiant ou diplômé qui bénéficierait d’un revenu disponible de 5 000 $ si l’État ne finançait pas ses études mérite un plus grand soutien social financier qu’un autre individu dont le revenu disponible est de 5 000 $, mais qui n’a pas effectué et n’effectuera pas d’études supérieures?
En quoi devrait-on présumer qu’un diplômés qui bénéficierait d’un revenu disponible de 1 million $ si l’État ne finançait pas ses études mérite un plus grand soutien social financier qu’un autre individu dont le revenu disponible est de 1 million $, mais qui n’a pas effectué d’études supérieures?
(Si vous voulez tenir compte des années où les étudiants ont relativement très peu de revenus parce qu’ils doivent étudier, considérez que les montants ci hauts sont des montants actualisés – c’est-à-dire après transformations comptables des montants originaux pour qu’ils puissent être comparables, comme s’ils avaient été versés à tous les citoyens au même moment : à leur 17e anniversaire de naissance, avant même l’âge d’entreprendre des études postsecondaires, par exemple).
Il n’est pas nécessaire de recourir au financement public inéquitable des études supérieures pour permettre à tous l’accès à des études supérieures. Il suffit d’accorder à toute personne désirant effectuer de telles études des prêts équivalents aux coûts de ces études et des besoins de base. Pourquoi alors faudrait-il opter pour une autre politique ayant le défaut d’engendrer des iniquités telles que celles décrites ci-haut?
(Notez que je crois cependant que la valeur réelle des études n’est pas aussi élevée que leurs coûts officiellement énoncés. Il y aurait un ménage à faire dans les privilèges financiers accordés aux travailleurs (de tous les paliers hiérarchiques) des institutions postsecondaires).
« (Mais, comme vous dites, les études supérieures mènent généralement à des revenus supérieurs, et à de nombreux autres avantages… ce qui fait que les subventions sous forme de financement public des études supérieures favorisent des personnes qui seraient déjà relativement favorisées même sans ces subventions). »
Sans les bas droits de scolarité, ces personnes n’auraient pas ces revenus supérieurs. C’est d’une évidence. Votre logique est défaillante.
« Avec le financement public des études supérieures, on favorise les personnes effectuant (ou ayant effectué) des études supérieures rapport aux autres citoyens gagnant les mêmes revenus qu’eux. En quoi peut-on soutenir qu’il s’agit là du « premier front de l’équité sociale ainsi que de la préservation des idéaux solidaires »? »
Un revenu oscillant entre 50 000 et 60 000$, la plage moyenne pour les finissants universitaires, n’est pas souvent accessible pour le commun des mortels avec un simple secondaire 5, à part quelques travailleurs évoluant dans des milieux industriels très spécialisés.
« Il n’est pas nécessaire de recourir au financement public inéquitable des études supérieures pour permettre à tous l’accès à des études supérieures. Il suffit d’accorder à toute personne désirant effectuer de telles études des prêts équivalents aux coûts de ces études et des besoins de base. Pourquoi alors faudrait-il opter pour une autre politique ayant le défaut d’engendrer des iniquités telles que celles décrites ci-haut? »
Financement public inéquitable ? Les prêts ne font qu’endetter encore plus une classe moyenne déjà au prise avec un taux d’endettement de plus de 150%. C’est cela que vous appelez équité ?
En somme, il ne faut pas faire payer les 96% des contribuables qui gagnent moins que 100 000$ pour s’assurer que le 4% le plus riche paye un peu plus pour les études de leurs enfants. L’intérêt de la majorité doit l’emporter.
Imaginez le régime fiscal aussi progressif que vous voulez, avec les droits de scolarité aussi bas que vous voulez.
Je modifierais votre proposition en élevant les droits de scolarité pour les rapprocher des coûts réels des études. J’accorderais cependant aux étudiants des prêts équivalents aux droits de scolarité pour que l’accès aux études supérieures ne demande pas plus de ressources financières immédiatement disponibles que si les études étaient gratuites.
Avec les sommes publiques économisées grâce à la réduction du financement public des études supérieures, je verserais aux citoyens des transferts inversement proportionnels à leurs revenus. Je ferais en sorte qu’au bout du compte, les moins bien nantis ayant effectué des études supérieures ne soient généralement pas appauvris par les hausses de droits de scolarité qui leur auraient été imposées.
Par rapport à votre proposition, la mienne ferait donc:
– Des perdants : les étudiants qui feront de hauts revenus, et qui auront à payer de plus importants droits de scolarité sans recevoir de transferts compensatoires par ailleurs,
– Des « kif-kif » : 1) les étudiants qui feront de faibles revenus, qui auront à payer de plus importants droits de scolarité, mais qui recevront des transferts compensatoires en vertu de leur pauvreté, et 2) les citoyens à hauts revenus n’ayant pas fait d’études supérieures et qui ne seraient donc touchés ni par les hausses de droits de scolarité, ni pas les hausses de transferts aux moins bien nantis.
– Des gagnants: les citoyens à faibles revenus qui n’auront pas fait d’études supérieures, mais qui recevront des transferts additionnels en vertu de leur pauvreté.
Par opposition, votre proposition par rapport à la mienne:
– favorise les étudiants qui auront de hauts revenus,
– ne change rien pour les étudiants qui auront de faibles revenus,
– défavorise les citoyens à faibles revenus et qui n’auront pas fait d’études supérieures.
L’équité est une notion très subjective, mais je considérerais ma proposition plus équitable que la vôtre, car:
– elle ne favoriserait pas les étudiants par rapport aux non étudiants gagnant les mêmes niveaux de revenus qu’eux (les revenus étant définis ici comme étant ceux dont disposeraient les citoyens pour leurs consommations personnelles si l’État n’effectuait pas de transferts entre eux),
– elle engendrerait une répartition plus égale de la richesse.
Pierre encore une fois s’empêtre dans son anti-étatiste et droitisme non-avoué.