Ce texte a été publié dans Métro Montréal le 13 juin 2011
Pareille sclérose politique n’avait imprégné la société québécoise depuis l’époque de la fin du régime de l’Union Nationale. Les temps sont de nouveau mûrs pour un changement de paradigme et l’éclosion d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques.
Bien qu’elle couve depuis le début du nouveau millénaire en sol québécois, cette mouvance novatrice capable d’assainir le faune politique a été exacerbée par un projet de loi privé concernant un certain amphithéâtre dans la capitale nationale.
La chef du Parti québécois ne devait pas s’attendre à une telle flambée de départs parmi ses troupes à la suite de l’appui inconditionnel de son parti à l’accord du maire de Québec, Régis Labeaume, avec le conglomérat médiatique Quebecor de Pierre-Karl Péladeau. Une étincelle de trop a mis le feu aux poudres dans une formation politique profondément tiraillée entre un courant souverainiste jusqu’au-boutisme et un autre plus étapiste pendant qu’en coulisses se prépare un nouveau joueur de gauche pouvant ravir quelques ou plusieurs députés et électeurs à l’ancien porte-étendard parlementaire de l’émancipation nationale. En effet, Québec Solidaire parasite de plus en plus l’électorat traditionnellement péquiste tout en se présentant comme la véritable alternative aux indépendantistes et aux progressistes anciennement très favorables au parti de Pauline Marois – cette dernière ayant annoncé sa volonté de dégraisser l’État et de placer au second rang les velléités souverainistes au grand dam des récents quatre élus insatisfaits ayant quitté la famille péquiste.
Et, en parallèle, le Parti Libéral du Québec s’enfonce dans l’impopularité tandis qu’un parti politique encore au stade embryonnaire le talonne sur sa droite et gruge un appui populaire lui faisant cruellement défaut. François Legault et son comparse entrepreneur Charles Sirois avec leur plateforme électorale – à ce jour virtuelle – pourraient séduire bien des libéraux avec les principes de délestage temporaire de l’objectif souverainiste et de recentrage sur des priorités plus économiques si chères au monde des affaires et à la droite. En fait, le Parti Libéral du Québec risque de subir le même sort que son cousin fédéral lui aussi jadis miné par les scandales.
Par ailleurs, la formation fantôme de Legault agrippera-t-elle quelques péquistes au passage? Probablement, mais très peu, et surtout dans les franges minoritaires des souverainistes mous et des adeptes du libre marché sans entrave. Pour preuve : François Legault n’a attiré aucun autre député du PQ avec lui lors de son claquement de porte.
De part et d’autre du monde politique québécois, la carte du ciel se reconfigurera de nouveau en conséquence d’une inversion inébranlable des pôles politiques, tant à gauche qu’à droite.
Niveau de difficulté de texte selon Scolarius d’Influence Communication : 230 (initié)
«De part et d’autre du monde politique québécois, la carte du ciel se reconfigurera de nouveau en conséquence d’une inversion inébranlable des pôles politiques, tant à gauche qu’à droite.»
Bien d’accord qu’on assiste à un changement important des allégeances politiques. Mais, se fait-elle vraiment sur l’axe gauche-droite ? Je n’en suis pas certain. Comme tu l’expliques bien au début de ton billet, on cherche une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques, le mot clé étant «nouvelle». Au fédéral, le NPD en a profité. Au provincial ? Dur à dire.
Le parti non créé de Legault est le mouvement qui profite le plus de cette dynamique, pour l’instant. Mais d’où proviennent ces appuis actuels (et bien fragiles…) ? Il semble que ce soit presque autant de la gauche que de la droite :
«L’électorat de la Coalition pour l’avenir du Québec (CAQ) — si elle se métamorphose en parti politique —, est constitué à 38 % d’adéquistes, à 26 % de péquistes, à 24 % de libéraux et à 22 % de solidaires.»
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/325319/sondage-leger-marketing-le-devoir-les-quebecois-veulent-legault
Les gains de QS révélés par le sondage CROP de La Presse (de 12 % à 17 % d’avril à mai) plus tôt cette semaine ne se retrouvent presque pas dans celui de Léger (de 9 % à 11 %). Le mécontentement ne semble donc pas s’exprimer selon l’axe droite-gauche.
Bref, ce rejet des «vieux» partis peut aussi bien se réveler emballant que décourageant…
Bah, les sondages. Je me souviens du temps des anciens sondages affirmant que les Québécois voulaient Jean Charest ou Mario Dumont… avec les résultats que l’on connait.
Je crois que mon exposé démontre plus clairement où iront les allégeances et selon moi, l’enjeu se déroule vraiment sur l’axe gauche-droite car Legault veut justement quitter l’autre axe fédéraliste-souverainiste qui empoisonne, selon la droite, le débat politique et le développement économique.
Je pense que la « pseudo » popularité de François Legault est surtout dûe au fait qu’il n’a pas encore montré ses couleurs. Désir de changement, écoeurantite aigüe des vieux partis, absence de projet fédérateur, ADQ moribonde à droite…il y a plus de ressentiment politique que d’analyse ou d’assentiment dans cette vague de support qui entoure le projet Legault.
Lorsqu’il publiera sa plateforme, qu’il transformera son mouvement en un vrai parti, c’est à ce moment seulement que nous pourrons juger de ses véritables appuis. D’abord, nous comprendrons peut-être plus clairement dans quelle direction il désire nous amener, si il y en a une, et on verra bien si son capital de sympathie dépasse la simple réaction à des situations qui laissent la population québécoise dans un perpétuel questionnement sur son avenir.
Le vote massif pour le NPD cadre bien dans ce questionnement. « Autre chose ». N’importe quoi, pourvu que ce ne soit pas ce que nous ne désirons pas. Ma fille de 10 ans n’agit pas autrement quand je lui demande ce qu’elle veut pour souper. Elle me récite la liste de tout ce qu’elle ne veut pas manger. En désespoir de cause, elle va s’accrocher à n’importe quoi qui n’est pas dans sa liste et qui semble contenir un peu de sucre. Rappelez-vous ce sondage de février qui démontrait que 25% des Québecois donnaient leur appui à François Legault. Il n’avait encore rien dit, ou presque! Et ne venez pas essayer de me faire croire que 25% des Québecois savent qui est François Legault, ce qu’il a fait et ce qu’il peut faire.
Dans un passé assez récent, l’ADQ a bénéficé de ce désir de changement. Nous leur avons construit un pont d’or qui les a menés bien en selle en tant qu’opposisiton officielle du grouvernement. Ils étaient en bonne position pour se faire voir, expliquer et convaincre de leurs idées et éventuellement, prendre le pouvoir. Le problème, c’est qu’ils n’ont jamais eu de vrai projet politique. C’est (c’était) un parti réactionnaire. Strictement réactionnaire. En situation de force, ils n’ont pas su miser sur un projet fédérateur faute d’existence de ce dernier.
Voilà donc où se trouve François Legault et sa coallition. Pour le moment, ils puisent leurs forces dans la gadoue politique québecoise, terreau fertile pour faire pousser la colère et le ressentiment. Mais au final, que vont-ils proposer? Un projet porteur de rêves et d’ambitions dans lequel les citoyens vont se reconnaître, se mettre à rêver et à travailler pour y arriver? Une vision originale d’un avenir brillant pour nous et nos enfants? Ou simplement un patch-work d’idées rabâchées et d’opporutnismes politiques qui visent à frapper sur les faiblesses de leurs adversaires?
Bon; poser la question c’est déjà y répondre. Si François Legault et sa coallition avaient un projet original à proposer, ils l’auraient déjà fait. Ils semblent à droite pour plusieurs morceaux de leur programme, au centre pour d’autres, des petites virées à gauche sur des sujets plus sensibles….bref, tout pour aller faire le plein de votes. L’important étant de gagner, pas de participer.
Mais je m’égare. Ton article s’intitule, « Inversion des pôles politiques ». Pas sûr de bien comprendre. Quand tu dis « Inversion », ça veut dire que la droite va à gauche et que la gauche va à droite? Ou que la droite risque de prendre le pouvoir au lieu de la gauche et vice-versa? Pas que la gauche soit au pouvoir mais bon, c’est pas la grosse droite non-plus 😉
La seule constante au Québec c’est la gadoue du centre. Si on se laisse tenter par la droite (ADQ), ça ne dure pas longtemps. Quant à la gauche, elle n’a plus été au pouvoir depuis le premier mandat du PQ. Et encore, une analyse historique pourrait aisément démontrer que c’était une gauche de convenance, une gauche à la mode de l’époque. Ça non plus ça n’a pas duré longtemps.
J’aime bien parler politique avec des gens qui n’ont pas fait leur maîtrise en Sc. po. ou qui ne sont pas des assidus de ton blogue. Ils sont pas mal plus nombreux que les spécialistes et ça se voit dans le résultat des votes. Un Québecois est simultanément à gauche, à droite, au centre et s’il y avait un haut et un bas, il y serait aussi.
Est-ce que le Québec risque de se laisser tenter par la droite d’un Legault et faire disparâitre l’ADQ et affaiblir les deux autres partis? Imagine ça deux secondes…on vient de voter pour le parti le plus à gauche de l’échiquier fédéral pour ensuite aller encourager une coallition qui tient le « Manifeste des lucides » comme guide route. Et tu pense encore qu’on peut trouver une logique gauche-droite dans le vote des Québecois?
Étant donné l’état d’esprit de l’électeur, il est possible qu’un parti de droite vienne brouiller les cartes. Mais un parti de gauche avec des leaders charismatiques aurait tout autant de chances. Ce que démontre l’appui à François Legault et le vote du NPD, ce n’est pas une exacerbation de l’axe gauche droite. C’est plutôt la nature même de notre culture politique dont il est question ici. Les Québecois n’ont pas une vision claire et commune de ce qu’ils désirent comme société ou même des débats qu’ils veulent avoir. Ils gèrent leurs allégeances politiques à la petite semaine et attendent toujours d’être stimulés par un rêve qui les sortira de leur torpeur. D’ici là, on va se promener encore longtemps de gauche à droite, de haut en bas et même en diagonale. Pourquoi pas? C’est différent, ça n’a pas encore été proposé et ça ne fait pas partie de la liste de ce que ma fille ne veut pas manger.
Bon commentaire! Tu devrais le publier sur un blogue!
Bien d’accord avec toi. Les Québécois se font séduire par le premier projet novateur et déchante une fois le tableau total exposé.
« Pas sûr de bien comprendre. Quand tu dis « Inversion », ça veut dire que la droite va à gauche et que la gauche va à droite? »
Oui, je comprends la confusion et j’étais certain de recevoir ce genre de commentaire. Mais je dis bien, à la fin: « De part et d’autre du monde politique québécois, la carte du ciel se reconfigurera de nouveau en conséquence d’une inversion inébranlable des pôles politiques, tant à gauche qu’à droite. » – je parle donc d’une inversion à l’intérieur même des deux champs politiques respectifs.
Et pire.
Dans un sujet apparenté, ceux qui n’ont pas vu le reportage d’Enquètes sur Québecoir DOIVENT le voir. Ca fais peur…
Notre Rupert Murdoch a un pouvoir orwellien… Plus que Charest peut être, il ESt l’ennemis…
À la prochaine élection, attendez-vous à voir une machine de propagande guerrière contre Québec Solidaire et tout individu le moindrement à gauche du centre.
Ca va chier.