Une version abrégée de cet article a paru le 6 juillet 2010 dans le journal “Le Devoir”
La démocratie n’est pas appliquée de la même façon d’une personne à l’autre ou d’un groupe à l’autre. C’est ce que nous a enseigné récemment le service de police de Toronto lors du déroulement des sommets conjoints du G8 et du G20.
Les abus policiers commis par les représentants des forces de l’ordre ayant mené à l’arrestation de plus de 900 personnes sont sans commune mesure avec le passé et les violations des droits civiques les plus élémentaires- malgré le peu d’accusations portées- méritent l’enclenchement d’une enquête publique indépendante sur les interpellations arbitraires des policiers ainsi que sur les conditions indécentes de détention.
C’est ce que demande d’ailleurs l’Association Canadienne des Libertés Civiles qui posta 50 observateurs sur le terrain.
La méthodologie policière utilisée après les quelques vitrines cassées et voitures de police incendiées – moins que les dégâts infligés à Montréal lors de la victoire du Canadiens dans la série éliminatoire de 2008- fut selon plusieurs analystes excessive et inappropriée. En outre, il fallait s’attendre à un peu de grabuge lorsque l’on tient un événement international si contesté comme le G20 dans la métropole du pays et ce n’est pas le milliard en dépenses pour la sécurité qui aurait pu éviter tout incident.
Mais, le plus affligeant, ont été les manœuvres douteuses et contraires à la déontologie de la part de la police de la capitale ontarienne. De prime abord, elles contrevenaient au droit canadien en incarcérant de manière préventive plusieurs centaines de personnes durant plus de 24 heures sans l’intervention d’un avocat.
De plus, les agents de la « paix », ont usé de provocation inutile envers des manifestants pacifiques, comme le témoigne ce petit enregistrement vidéo. Les tactiques de bravade et de démonstration de force doivent sûrement constituer un chapitre du petit guide policier du contrôle des foules. Toutefois, celles-ci paraissent plutôt générer plus de grogne et de rancœur parmi les protestataires au grand dam de l’image publique de la police.
Mettons aussi en lumière un autre incident perturbant. Plusieurs arrestations expéditives ont été effectuées de manière illégale et en non-conformité au décret qu’a voté le gouvernement ontarien quelque temps avant le sommet. Même le chef de la police torontoise, Bill Blair, l’a reconnu subséquemment.
Le cas le plus démonstratif relativement à ce dossier fut celui de Bill Barrett : le jeune homme de 25 ans a été interpellé en dehors de la « zone chaude », maintenu en détention durant 3 heures et s’est vu confisqué son attirail inoffensif de jeu de rôle médiéval. Suite au sommet, le chef de police a exhibé fièrement ces jouets aux journalistes comme faisant partie de la panoplie des armes utilisées par les manifestants. Monsieur Barrett, voyant cela, a averti la presse et l’inimitable chef Bill Blair a dû encore rectifier les faits.
L’ensemble de ces événements doit remettre en question le travail des policiers dans leur rôle de chien de garde de la société et de la démocratie.
En agissant de la sorte, par tromperie et actes illicites, les forces de police vont à l’encontre des principes mêmes de la tradition démocratique. Malheureusement, cela n’est pas la première fois et sûrement pas la dernière.
Souvenons-nous du sommet de Montebello durant lequel les infiltrateurs de la Sureté du Québec (SQ) ont été repérés par les contestataires pacifiques ou encore de la rencontre montréalaise du G8 en 2002 pendant laquelle 500 personnes ont vu leurs droits civiques suspendus – un fait que le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a déploré en raison de l’atteinte à la liberté d’expression et d’assemblée.
Il s’agit de prétendre à une menace terroriste et voilà! On suspend les droits civiques de certains individus illico presto bien que les hommes d’État présents à ce genre de rencontres ne courent aucun réel danger.
En trame de fond, on doit admettre que la démocratie ou son application ne dépend que de la manière dont les autorités veulent l’appliquer.
Soyez un politicien impliqué à fond dans un scandale des commandites, comme Jean Chrétien, ou un ancien premier ministre conservateur ayant accepté douteusement de l’argent d’un investisseur étranger, tel que Brian Mulroney, ou encore un ministre libéral provincial pris les mains dans le sac dans un scandale de trafic d’influence et de copinage, et l’on vous exonérera de tout tort en vous donnant peut-être une petite tape sur les doigts.
Par contre, montrez-vous dans la rue avec des pancartes et en chantant des slogans contestataires en pleine jouissance de votre droit démocratique de manifester et d’exprimer votre désaccord sur un sommet international à huis-clos dépourvu d’implication populaire, et la police essaiera de vous intimider en lésant outrancieusement et de toutes les manières possibles vos libertés fondamentales.
C’est cela, une démocratie à géométrie variable.
Le message politique est clair : ne manifestez pas, obéissez aux décisions des gouvernements et surtout restez chez-vous sous peine d’incarcération!
Nous prétendons vivre en démocratie, mais lorsqu’on démontre notre opposition à des projets politiques ou économiques qui nous choquent, l’État ne tarde pas à nous aliéner de nos droits fondamentaux sous le prétexte du maintien de l’ordre.
Même si une majorité de répondants à un sondage sur les événements de Toronto se dise d’accord avec les procédés des policiers, ceux-ci représentent une sérieuse brèche à notre vie démocratique.
Lorsque l’on sursoit les droits civiques de quelques-uns pour apaiser l’incertitude des plus influents, l’ensemble des privilèges démocratiques des citoyens est endommagé.
Petit à petit s’érodent alors les valeurs fondamentales de la démocratie et plus rapidement approchons-nous de l’autocratie.
Malgré les analogies qu’on peut faire avec des événements précédents, analogies certes justes, je crois que la police de Toronti a atteint des sommets dans la négation des droits fondamentaux.
Tu as sûrement vu cette vidéo, mais elle montre bien les horreurs que les gens arrêtés ont dû subir :
Un instant.
Les policiers ont un travail à faire.
On peut exiger d’eux qu’ils soient parfaits. Malheureusement, surtout lors d’événements majeurs, c’est impossible.
Ils feront des erreurs. C’est évident. Ils doivent payer pour. C’est évident.
Deux types d’erreurs sont possibles: ne rien faire alors qu’il faudrait intervenir ou l’inverse, intervenir alors qu’il ne faudrait pas. Dans le premier cas, il risque d’y avoir une escalade de violence. Dans le deuxième cas, il y a violation des droits civils. Des décisions doivent être prises, parfois très rapidement avec des renseignements insuffisants. Hélas.
Personnellement, je trouve que le bilan final est relativement bon, ce qui me laisse croire que le travail effectué n’est pas trop mauvais. Mais il est extrêmement important que les abus soient punis. S’ils ne le sont pas, cela devient une permission pour la prochaine fois. Et il ne faut surtout pas que les policiers sentent que tout leur est permis. Surtout pas.
D’autre part, vous dites: « L’ensemble de ces événements doit remettre en question le travail des policiers dans leur rôle de chien de garde de la société et de la démocratie. »
Euh… Pardon? J’ai du manquer quelque chose… Le rôle des policiers est de protéger la société et la démocratie? Première nouvelle… Pour moi, le rôle des policiers est d’obéir aux ordres, ordres qui visent d’abord et avant tout de protéger l’ordre établi, c’est-à-dire les politiciens et l’élite actuelle.
Il ne faut pas prendre nos désirs pour des réalités. J’aimerais que les policiers protègent la démocratie. J’aimerais que les politiciens prennent des bonnes décisions (désintéressées et dans l’intérêt du peuple). Mais est-ce le monde réel?
En terminant: comme vidéo incriminante pour les policiers, j’ai déjà vu mieux…
@Paul
« Euh… Pardon? J’ai du manquer quelque chose… Le rôle des policiers est de protéger la société et la démocratie? Première nouvelle… Pour moi, le rôle des policiers est d’obéir aux ordres, ordres qui visent d’abord et avant tout de protéger l’ordre établi, c’est-à-dire les politiciens et l’élite actuelle. »
Oui, d’un point de vue marxiste.
Mais, un rôle plus officiel de la police est d’assurer la pérennité des lois, même constitutionnelles ou électorales, et cela surtout en démocratie parlementaire. En fait, la police est le bras de l’État démocratique dans l’application des lois. Vous devriez relire vos livres de sciences politiques.
Par ailleurs, toute société, même celle-là la plus parfaite, a besoin d’un service de « sécurité », comme le futur paradis communiste de Marx aurait besoin d’une organisation publique centrale même si il annonce la disparition de l’État.
« En terminant: comme vidéo incriminante pour les policiers, j’ai déjà vu mieux… »
Ce film ne servait pas à incriminer, je ne sais pas où vous avez lu ça. Il cherche à exposer les manœuvres de démonstration de force et d’intimidation des policiers. Relisez le billet…
Finalement, votre point de vue est contradictoire. En premier lieu, vous dites « Les policiers ont un travail à faire » et plus tard « Pour moi, le rôle des policiers est d’obéir aux ordres, ordres qui visent d’abord et avant tout de protéger l’ordre établi, c’est-à-dire les politiciens et l’élite actuelle. »
Coudonc, vous êtes de quel côté vous ?
@darwin
Merci pour la vidéo. J’ai entendu l’histoire de la demoiselle en entrevue au 98,5. Vraiment choquant!
@Paul,
Votre naïveté face aux réel motifs des opérations policière menés lors du sommet du G20, fait presque pitié a lire. On reconnait dans vos propos, un aveu bien involontaire de votre manque flagrant d’information… Faut aller plus loin que l’image de surface et le discours vide et complaisant du chef Bill pour comprendre les véritables enjeux de ces tactiques malhonête et criminelle.
Il n’est pas tant question d’intervention ni meme de choix, lorsque le plan de match est d’ores et déjà établi dans un ÉVIDENT dessein de provoquer une émeute de manière artificielle de peur qu’elle ne soit pas présente. Les élites ( nos élus ) ont voulu s’assurer ( dès le départ ) d’optenir l’alibi nécessaire a la mise en place d’un sabotage de nos droits démocratique. ILS ne voulaient pas ( une fois de plus ) que l’on puisse donner du crédit a des revendications légitime regardant nos droits et notre avenir ! Sans émeute, trop de « temps de presse et d’antenne » aurait pu être accordé a ceux qui dénoncent l’incensé. Trop de gens aurait pu prêter attention a ce qu’implique réellement ces réunions.
Bref, ils leur fallaient détourner l’attention et jeter le blâme des « mauvaises intentions » sur le dos de quelqu’un d’autre. Et le meilleur moyen de s’assurer d’avoir un incendie a combattre et d’engager son propre pyromane ! ( Hitler l’a bien compris a l’époque )
Ouvrez-vous les yeux ! Ces émeutes furent le fruit d’opérations policière sous faux pavillon. Les vidéos le prouvent, les gens et les faits le prouvent. Même tactique qu’a Montebello, a une échelle encore plus grande. Le mot d’ordre était d’étouffer toute tentative d’exprimer une opposition a cette orgie mondialiste hypocrite.
Les policiers n’ont fait que suivrent les ordres… Et il est là le 2e problème. Ils suivent les ordres, sans bien comprendre ce qu’ils font.
L’incident entre les manifestant-e-s pacifiques et l’escouade est mineure en comparaison du siège de Queen’s Park.
Au-delà de la répression, je trouve que les manifestant-e-s de Toronto ont été très courageux/euses de ne pas se disperser dans la panique la plus totale face à l’approche, aux menaces et aux raids des flics. Pour du monde ordinaire qui n’ont jamais vu de matraque auparavant, je trouve qu’ils/elles ont du cran.
Une version abrégée de cet article a été publiée dans Le Devoir:
http://www.ledevoir.com/politique/canada/292016/lettres-democratie-a-geometrie-variable
«Dans le premier cas, il risque d’y avoir une escalade de violence. Dans le deuxième cas, il y a violation des droits civils. Des décisions doivent être prises, parfois très rapidement avec des renseignements insuffisants. Hélas.»
Mais Paul, ce n’est pas une nouvelle du jour que les sommets du G20 sont impopulaires. Je veux bien, moi, croire que ces sommets en valent la peine, et qu’ils sont démocratiques, etc.., mais ce n’est point le cas. On y prend des décisions nous concernant, à notre insu, sans notre consentement, et cela, avec les plus grands bourgeois –lire parasites- du monde qui «épaulent» nos dirigeants. Nous, n’avons pas le droit d’y entrer, mais la minorité parasitaire bourgeoise, elle, peut y entrer comme bon lui semble. Il semble donc, pour nos élus, que les «business mens» représentent plus la démocratie que nous, leurs exploités.
Alors d’emblée, je crois qu’il faut d’abord se questionner sur la justesse de la tenue de telles réunions secrètes, où les décisions prises nous seront imposées de gré ou de force, et clairement contre nos intérêts de classe. La bourgeoisie a assez gouverné comme ça. C’est à notre tour. Alors les violences potentielles dont vous parlez, sont à mes yeux, l’égal de la force de l’ordre qu’on m’impose aujourd’hui, celle-ci défendant les intérêts de cette minorité parasitaire qu’est la bourgeoisie –et ce n’est plus une farce, la police vend ses services au privé désormais!-.
@ Jimmy
«Par ailleurs, toute société, même celle-là la plus parfaite, a besoin d’un service de « sécurité », comme le futur paradis communiste de Marx aurait besoin d’une organisation publique centrale même si il annonce la disparition de l’État.»
Voilà! Et d’ailleurs, Marx parlait de milices populaires….
@ Sayan
«Bref, ils leur fallaient détourner l’attention et jeter le blâme des « mauvaises intentions » sur le dos de quelqu’un d’autre. Et le meilleur moyen de s’assurer d’avoir un incendie a combattre et d’engager son propre pyromane ! ( Hitler l’a bien compris a l’époque )»
Vous avez raison! Le guichet automatique en cela, d’ailleurs possédant plus de droits que les turques en eaux internationale d’après Harper et ses sbires –remarquez qu’Harper et Cannon ont condamné le feu du guichet-automatique, mais n’ont pas condamné le terrorisme d’Israël en eaux internationales! Ça y est! Les guichets automatiques ont plus de droits que les humains qui ne sont pas du côté des conservateurs et des Israéliens!-, a probablement été incendié par un pyromane de la GRC, du SCRS, ou de je ne sais quel organisme inventé par l’État bourgeois que nous avons.
Sinon, qui n’a pas remarqué que les voitures de police étaient disposées de façon à ce que les militants puissent les atteindre, et les brûler facilement? Les policiers ont reculé, mais oublié leur voiture sans y oublier leurs armes toutefois! N’importe quoi… Mise en scène évidente! Maladroite même!
Mais pire encore…. Toutes les doubles-mesures discutées…
L’Iran et le nucléaire? Eh bien! Et Israël, elle?
Terrorisme? Ah, ok! Mais le terrorisme d’État, lui, commis par nos partenaires économiques et Israël?
Eh bien…