Échanger un maître contre un autre

Cet article a été publié dans Le Devoir, le 4 mai 2023

Nous entendons parler, ces derniers temps, d’un mouvement des plaques tectoniques dans la géopolitique mondiale, notamment avec l’appui tacite de la Chine à la Russie dans la guerre en Ukraine et avec la récente visite du président brésilien, Lula da Silva, à Pékin. Tous des événements qui semblent conforter l’idée d’un renforcement majeur de certains pays émergents (réunis sous l’organisation des BRICS) contre l’influence de l’Occident et son impérialisme dans le monde.

On sait depuis une quarantaine d’années que des pays en développement, surtout la Chine, viendront faire une concurrence féroce aux États-Unis et à l’Europe occidentale sur l’échiquier politique et économique mondial. Toutefois, il est périlleux de signer immédiatement l’arrêt de mort de l’Occident sans considérer plusieurs autres éléments.

Nous devons d’abord souligner que l’organisation des BRICS est composée de nations aux cultures et aux régimes politiques très différents, contrairement aux pays constituant l’Occident, et que seuls des liens commerciaux, des ventes d’armement ainsi que le mépris envers les Occidentaux les unissent. Il serait aussi naïf de croire que cette belle concorde entre ces pays ne connaîtra pas de frictions en raison de rivalités entre eux. Rappelons-nous qu’il y a déjà eu des affrontements frontaliers entre la Chine et la Russie ainsi que l’Inde dans le passé.

Par ailleurs, le président brésilien, Lula da Silva, a mis dernièrement sur la table l’idée d’une monnaie pour concurrencer le dollar américain. Dans le meilleur des cas, le yuan chinois pourrait constituer une monnaie de rechange, mais les grandes aspirations d’émancipation des autres participants aux BRICS pourraient ainsi disparaître sous les tendances impériales de la nouvelle puissance montante sur la scène internationale, qui ne se laissera pas damer le pion si facilement dans sa conquête économique et géopolitique du globe, qui est déjà bien amorcée.

Nous pouvons aussi nous interroger sur le genre de modèle de développement que les BRICS offrent aux autres pays émergents en remplacement du néocolonialisme occidental. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine ainsi que l’Afrique du Sud sont loin d’être des parangons de vertu lorsqu’il est question de droits de la personne, de démocratie ou de lutte contre la corruption — ce qui équivaudrait, au final, pour les peuples des autres pays émergents, à échanger un ancien maître contre un nouveau…

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Twitter et les médias d’information

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 18 avril 2023 et dans Le Devoir, le 21 avril 2023

Twitter a étiqueté CBC, le pendant anglophone de Radio-Canada, comme média financé par un gouvernement, au même titre que des médias d’information de pays au régime autoritaire tels que la Russie ou la Chine, comme si, aux yeux du nouveau propriétaire de Twitter, tout média financé par le public est nécessairement partial, propagandiste et porteur de désinformation.

Ce réseau social passe sciemment sous silence le fait qu’une entreprise d’information publique comme CBC/Radio-Canada (reconnue d’ailleurs mondialement) rehausse la qualité de l’information au pays avec des émissions aux contenus culturels, des enquêtes et de grands reportages à l’étranger, tandis que le privé a tendance à aller au plus petit dénominateur commun avec des émissions de téléréalité insipides et une programmation souvent empreinte de sensationnalisme pour gonfler les cotes d’écoute.

De plus, en quoi un média d’information privé aurait-il plus le monopole de la vertu journalistique ? Souvent chapeautés par de grands conglomérats, les médias privés doivent répondre à des impératifs de rentabilité, fréquemment au détriment de l’objectivité de leurs journalistes, qui s’imposent eux-mêmes une censure de peur de contrevenir à l’idéologie politique des propriétaires de ces médias, quitte à propager de la fausse information afin de leur plaire (pensons à Fox News, aux États-Unis, qui a présentement des démêlés avec la justice pour une affaire de désinformation liée à la dernière élection présidentielle).

Twitter n’est pas à sa première fronde contre les médias d’information. Il a déjà suspendu des comptes de journalistes et a appliqué le même qualificatif « affilié à un État » à des médias américains et britanniques publics ou semi-publics pourtant renommés pour la qualité de l’information, tout comme CBC. De manière plus inquiétante, le réseau social a même réintégré des comptes autrefois suspendus pour des cas patents de désinformation et de propos d’extrême droite.

Le nouveau patron de Twitter proclame haut et fort vouloir protéger la liberté d’expression, mais agit dans les faits de façon contradictoire et même contraire aux valeurs démocratiques sous-jacentes à ladite liberté d’expression.

Photo de greenwish _: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/main-smartphone-internet-porter-13240226/

La pensée magique

Cet article a été publié dans Le Devoir, le 6 avril 2023

Le président du prochain sommet sur les changements climatiques (COP28), le sultan Ahmed al-Jaber, p.-d.g. de l’ADNOC, l’une des plus grandes entreprises pétrolières au monde, annonçait récemment la nécessité de continuer à exploiter le pétrole pour permettre de financer la transition énergétique, au grand dam de plusieurs environnementalistes.

De façon surprenante, cette idée s’est même répandue à certaines organisations environnementales, qui n’ont pas hésité depuis plusieurs années à collaborer avec les grandes pétrolières, à admettre des cadres de ces entreprises dans leurs conseils d’administration et même à recevoir du financement de celles-ci (comme l’a déjà révélé la journaliste et essayiste Naomi Klein), en véritable profession de foi envers un hypothétique et incertain progrès technologique qui permettrait d’éviter une catastrophe climatique qui semble désormais inévitable.

Il est aisé de constater ce changement de paradigme chez certains tenants de la lutte contre les changements climatiques. Nous n’avons qu’à penser à un ministre libéral de l’Environnement et du Changement climatique, anciennement membre actif de Greenpeace, qui a étonnamment donné son appui l’année dernière au vaste projet d’extraction pétrolière Bay du Nord au large des côtes de Terre-Neuve pendant le déroulement de la COP27, qui venait d’ailleurs d’accueillir pour la première fois des représentants de l’industrie pétrolière !

Certains pourraient affirmer alors que la nomination de ce nouveau président de la COP impliqué directement dans le commerce du pétrole, en pleine contradiction avec la cause elle-même, ainsi que l’indolence de prétendus défenseurs de l’environnement ne sont que l’aboutissement logique de notre refus collectif à admettre l’urgence de la situation et à remettre en question notre mode de vie… en pure pensée magique.

Photo de Markus Spiske: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/climat-gens-rue-foule-2990610/

La fin du travail

Cet article a été publié dans Le ZigZag, La voix des citoyens, le 31 mars 2023

Plusieurs inquiétudes ont été révélées dernièrement par la demande de plusieurs personnalités et experts en intelligence artificielle.

Ils ne demandent, ni plus ni moins, qu’un moratoire sur le développement de l’intelligence artificielle, bien que l’on sache pertinemment que cela est totalement utopique, car rien ne garantit qu’une entreprise ou un pays ne développe en secret cette technologie.

Alors, l’intelligence artificielle est là pour rester et, en ce moment, nous ne pouvons qu’apercevoir les conséquences du développement de cette technologie sur le fonctionnement de la société.

Plusieurs emplois, surtout dans le domaine des services (privés et publics), pourront être remplacés par une intelligence artificielle  –  ce qui dans une période de pénurie de main-d’œuvre semble bénéfique.

Toutefois, devant le développement rapide de cette technologie, où est-ce que les employeurs s’arrêteront-ils de couper dans les coûts de main-d’œuvre (constituant la plus grande partie des dépenses dans une entreprise)? La tentation sera forte pour pousser à fond cette tendance qui bouleversera indéniablement le monde du travail et qui sait, dans quelques décennies, une intelligence artificielle combinée avec une interface robotique pourrait aussi pousser au chômage des travailleurs manuels.

En somme, c’est l’ensemble de la structure économique qui risque d’être ébranlée. Le travail, qui est le moteur de la consommation et donc d’une prospérité économique à saveur capitaliste, risque d’être relégué au second rang face à une nouvelle main-d’œuvre artificielle remplaçant les humains dans l’activité économique. On ne peut qu’imaginer les bouleversements sociaux qui adviendront possiblement par la suite…

Israël et la démocratie

Cet article a été publié dans Le ZigZag, La voix des citoyens, le 29 mars 2023

Des événements importants ont lieu actuellement en Israël avec la dérive autoritaire du gouvernement de coalition ultra-orthodoxe de Benyamin Netanyahou qui domine la vie politique du pays.

La société civile, les syndicats ainsi qu’une partie de l’armée de réserve expriment leur mécontentement avec des manifestations et la tenue d’une grève générale face au projet de l’exécutif de réformer le système de justice du pays en court-circuitant la Cour suprême qui ne deviendrait alors plus qu’un simple organe consultatif dépourvu de pouvoir. Et bien que tout dernièrement, le gouvernement ait conclu une trêve avec l’opposition (qui serait, selon certains, une simple mesure afin de gagner du temps), il existe, par contre, des factions d’extrême droite dans la coalition gouvernementale soutenant mordicus à ce que ce projet soit définitivement mené à terme.

Ce changement constitutionnel, s’il advient, pourrait ébranler la démocratie israélienne en donnant carte blanche à ce gouvernement dans sa politique ultra-orthodoxe en renversant la séparation des pouvoirs (qui est la pierre angulaire du libéralisme politique) et en faisant basculer ce pays dans le camp des prétendues « démocraties illibérales », dont se revendiquait au départ le régime de Viktor Orbán en Hongrie, mais que l’on peut désormais associées à la Russie, à l’Inde et même à la Chine.

La République d’Israël doit donc être sous le regard attentif de tous les despotes de ce monde. Paradoxalement, ce pays, avant-poste occidental au Moyen-Orient, fut la première véritable démocratie représentative à s’établir dans cette région du monde et il constitue aussi probablement la seule démocratie libérale y ayant encore des assises solides… pour le moment.

Pour nous, confiant en notre système démocratique, ces événements semblent bien lointains et avoir peu d’impact sur notre propre vie politique.  Toutefois, le péril ne se limite pas uniquement aux frontières israéliennes. La chute de la démocratie libérale en Israël symboliserait un recul de l’influence de ce régime politique dans le monde et résonnerait sur l’ensemble de la planète comme un échec du modèle occidental.  

Par ailleurs, ce qui se déroule présentement en Israël est peut-être un présage de ce qui attend les pays occidentaux avec les nombreux défis se profilant à l’horizon, comme l’intégration des immigrants, l’accès aux ressources vitales (comme l’eau), la lutte au terrorisme, l’écart grandissant des richesses ou la paupérisation qui mettront à l’épreuve la viabilité de nos institutions politiques.

Tout extrémisme, quel qu’il soit (religieux dans le cas présent), mène inexorablement au despotisme et quiconque, qui a la liberté et la justice à cœur, doit se remémorer que les démocraties meurent dans l’indifférence des citoyens qui ne jouissent pas de leur droit de vote, dans l’irresponsabilité des électeurs qui votent pour des partis politiques autocratiques ainsi que dans l’inaction de la société civile et des militaires suivant aveuglément les ordres et que, finalement, sa préservation constitue un combat de tous les instants…

Des baisses d’impôt ploutocratiques

Cet article a été publié dans le magazine Le ZigZag, La voix des citoyens, le 24 mars 2023

On se demande bien pourquoi le gouvernement Legault octroie une baisse d’impôt à la sortie d’une élection aux résultats quasi historiques dont il est sorti pourtant grand gagnant? La règle générale dicte plutôt qu’un gouvernement procède à une réduction d’impôt à la fin de son mandat, pas au début. Alors, comment expliquer cela?

La toute première chose à souligner est le caractère peu démocratique de cette réduction d’impôt qui avantage, selon plusieurs économistes, les citoyens dont les revenus se situent aux paliers supérieurs d’imposition – il en est de même pour les chèques de 500 $ distribués il y un an à l’ensemble des citoyens sans rapport à leurs revenus.

Cela traduit de la part du gouvernement Legault une vision conservatrice de la société qui ne fait pas de distinction entre les individus et leurs positions dans l’échelle sociale et ne tenant aussi pas compte des difficultés sociales et économiques des citoyens les plus pauvres. Ainsi, on met sur pied une politique de réduction d’impôt selon l’impôt payé des individus et non selon leurs besoins ( qui sont criants pour certains).

Il est facile de comprendre l’attitude de ce gouvernement, composé pour la plupart d’hommes et de femmes d’affaires, qui constitue en sorte une nouvelle bourgeoisie canadienne-française ayant enfin pris le pouvoir. Doutant du modèle social-démocrate québécois qui a pourtant permis leur émergence, ces hommes et ces femmes politiques appliquent ce qu’on leur a appris dans les différentes écoles de commerce et gèrent la province comme on gère une entreprise sans considération sociale ou écologique.

Enfin, le plus triste dans tout cela est que ce gouvernement avec une telle cote d’approbation dans la population pourrait procéder à des réformes majeures pour la protection de l’environnement, pour la transition énergétique ou la lutte à la pauvreté et à la faim dans notre société. Mais il préfère rester au business as usual. On l’a bien vu avec son laxisme dans le dossier de la Fonderie Horne et ses rejets toxiques, son entêtement à construire le troisième lien entre Québec et Lévis et son manque de volonté à financer les banques alimentaires…

Photo de Tima Miroshnichenko: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-riche-argent-porter-6266641/

L’Impossible est possible

Ce court texte a été publié dans Le Soleil de Québec, le 11 mars 2023

Je ne suis plus capable d’entendre dire «ça n’arrivera pas», «c’est impossible», «c’est du pelletage de nuages» chaque fois que quelqu’un suggère quelque chose pour rendre plus juste et plus verte cette société de plus en plus dysfonctionnelle. 

Et c’est exactement ce que les puissants veulent que l’on pense. Mais quand il est temps de supporter le système financier en injectant des centaines de milliards de dollars d’argent public dans les caisses des banques et des grandes institutions financières, comme en 2008 (avec leurs PDG qui en ont profité en plus pour ramasser le pactole au passage), là, la société juge que l’impossible est possible.

Photo de Pixabay: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/photo-en-niveaux-de-gris-des-pieces-259209/

Les erreurs de Poutine

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 5 mars 2023

Il y a un peu plus d’un an a été déclenchée la guerre en Ukraine. Vladimir Poutine espérait une victoire rapide à la Blitzkrieg tout en prévoyant une réponse timorée des puissances occidentales face à l’agression.

Il s’est toutefois trompé dans ses calculs en ne tenant pas assez rigueur de certains éléments cruciaux dans son analyse stratégique.

Référons-nous ici à l’œuvre du général français André Beaufre qui a écrit de nombreux livres sur la stratégie et la guerre.

Selon Beaufre, qui s’inspire évidemment de grands théoriciens militaires comme Clausewitz, Sun Tzu ainsi que de sa grande expérience de la stratégie militaire, la guerre est en constante évolution et celui qui ne sait pas anticiper les changements techniques, scientifiques ou logistiques de son époque court inévitablement à sa perte.

Ainsi, le chef de l’État russe s’est engagé dans un conflit selon les méthodes du 20e siècle qui ne correspondent plus nécessairement à la réalité d’aujourd’hui tout en ayant pris du retard sur une modernisation essentielle de ses forces terrestres et aériennes, en raison notamment des sanctions économiques que la Russie a subies depuis l’invasion de la Crimée en 2014. Les nouvelles technologies et les armements à la fine pointe que l’Occident fournit à l’Ukraine par son appui indirect changent la donne et une simple invasion militaire par des blindés ou des frappes aériennes à l’ancienne ne conviennent apparemment plus à la réalité des conflits armés au 21e siècle. Voici la première erreur.

L’autre constatation que le général Beaufre met en évidence est l’importance de la stratégie indirecte qui se distingue de la stratégie directe se concentrant simplement sur le théâtre d’opération. Cette stratégie indirecte comprend notamment la manœuvre extérieure qui consiste à diviser la communauté internationale par des actions politiques, diplomatiques ou économiques avant et pendant l’invasion. Ici, le régime de Poutine souhaitait diviser l’Europe occidentale avec des menaces de coupures de gaz (plan qui n’a pas fonctionné et qui a été même profitable à l’OTAN avec de nouvelles demandes d’adhésion de la Finlande et de la Suède) et il comptait également sur une alliance solide avec la Chine dans le conflit qui ne s’est finalement jamais concrétisée. Ce fut la deuxième erreur.

Enfin, toujours selon Beaufre, des forces armées plus puissantes ne garantissent pas la victoire si la stratégie employée n’est pas la bonne. Les tactiques de guérilla par la résistance adverse peuvent être très efficaces contre un ennemi possédant un armement supérieur, surtout si le conflit s’éternise comme présentement en Ukraine. Le meilleur exemple historique demeure la guerre du Vietnam. Voilà la troisième erreur.

Le général Beaufre souligne que la «stratégie totale» moderne doit tenir compte efficacement de tous les aspects pouvant mener à la victoire (forces militaires, certes, mais aussi la diplomatie, les pressions économiques, le jeu politique et même la manipulation psychologique) et ne se résume pas uniquement aux coups de fusils ou aux tirs d’artillerie. Vladimir Poutine vient sûrement de l’apprendre à ses dépens…

Photo de cottonbro studio: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/texte-de-non-guerre-en-noir-et-blanc-3831760/

La machine

Cet article a été publié dans Le Soleil, le 11 février 2023

Faisant écho à l’âge de recul de la retraite en France, le gouvernement du Québec envisage le report de l’âge de l’obtention des rentes du Québec au-delà de 60 ans. 

Pourtant, de récentes évaluations actuarielles confirment la viabilité du régime pour les prochaines cinquante années. Comment alors expliquer cet empressement de report de l’âge de l’admissibilité à la RRQ? On évoque évidemment le manque de main-d’œuvre et l’allongement de l’espérance de vie, surtout du côté patronal qui désire perpétuer ses activités commerciales sans contrainte.

Du point de vue du travailleur salarié, il s’agit toutefois d’un repli. Nous avons souvent entendu parler de l’avènement de la société des loisirs, de la réduction du travail et d’une augmentation de la qualité de vie dans le futur. Mais ce qu’on nous propose ici correspond bien à une régression. 

Le progrès associé à l’industrialisation et à la modernité qui consiste, en théorie, à améliorer les conditions de vie des hommes et à les libérer de plus en plus du labeur n’était-il pas au final qu’une illusion? Les impératifs économiques du capitalisme passent-ils toujours devant le bien-être des individus?

De plus, il demeure incompréhensible, avec les dernières avancées technologiques comme la robotisation qui promettait d’être miraculeuse et tout récemment le développement surprenant de l’intelligence artificielle, que l’idée d’un recul de l’âge de recevabilité des prestations de retraite soit la meilleure solution aux problèmes liés à la production et au monde du travail — concrétisant ainsi un échec sociétal flagrant.

Au 19e siècle, les ouvriers des usines faisaient tourner les machines des industriels sans relâche avec de longues et pénibles journées de travail. Il a fallu de nombreuses grèves, parfois sanglantes, instiguées par les syndicats de l’époque pour faire stopper les machines afin de faire comprendre aux capitaines de l’industrie les revendications des ouvriers et alors diminuer leurs nombres d’heures de travail au détriment de la soif de profits.

Peut-être sera-t-il indispensable pour nous de faire grève prochainement, comme de nombreux salariés français ces temps-ci, pour aussi faire arrêter cette machine du capital qui ne cesse de tourner, afin de lui faire comprendre également nos récriminations et notre droit de jouir pleinement de la vie… et de notre retraite.

Photo de Jeriden Villegas sur Unsplash

Démocratie et économie de marché

Cet article a été publié dans Le Soleil de Québec, le 27 janvier 2023

Nous apprenions, sans grande surprise, que l’écart entre les revenus des salariés et ceux des PDG des grandes entreprises canadiennes (et partout dans le monde) s’était encore accentué. Le phénomène, au lieu de se résorber, tend à s’amplifier en corrélation avec la disparition lente et certaine de la classe moyenne depuis plus d’une trentaine d’années en Occident.

Comment alors définir notre civilisation en regard de ce creusement inédit des inégalités? Certes, nous nous berçons dans l’illusion de vivre dans une démocratie politique représentative idéale, mais dans la réalité, la démocratie réelle, c’est-à-dire économique, est aussi mise à mal et sa détérioration arrive même à compromettre la démocratie politique par l’ascendance délétère de riches personnages et de puissances d’argent sur les élus et les institutions politiques.

Paradoxalement, les principes démocratiques et de liberté hérités du siècle des Lumières, qui ont pourtant permis l’essor de l’économie de marché dans un cadre libéral, sont désormais menacés par la concentration excessive des richesses et l’influence de super-riches (qui sont l’ultime aboutissement du capitalisme) situés bien au-dessus des lois et des réglementations étatiques (notamment dans le paiement de leurs impôts), comme si la civilisation occidentale avait fait un retour en arrière vers l’ancien régime féodal qui était dominé par quelques familles possédant l’essentiel des richesses et du pouvoir politique face à une masse servile et appauvrie.

Ces nouveaux maîtres du monde, comme les anciens nobles et aristocrates du Moyen Âge, dans un contexte social de désinformation, de remise en question de la science, de recul des droits fondamentaux et d’atomisation de la société, hésitent à suggérer des changements positifs de paradigmes, qui seraient pourtant bénéfiques à la collectivité, de peur de perdre leurs avantages et tout ce qui a permis leur enrichissement, comme la consommation de masse polluant à l’extrême l’environnement et la commercialisation à grande échelle des énergies fossiles réchauffant dangereusement le climat.

Il y a plus de quatre siècles advenait une Renaissance qui a permis de sortir d’une époque de ténèbres. Espérons, bientôt, qu’une nouvelle renaissance émerge de ce nouveau Moyen Âge pour guider le genre humain vers une période historique plus humaniste et respectueuse de l’environnement… pour la suite du monde.

Photo de Karolina Grabowska: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/suivre-caoutchouc-riche-empiler-4386476/