Des origines de l’inégalité sociale

Depuis des temps immémoriaux, l’inégalité parmi les hommes est proclamée, voire même encensée.

Platon édictait une hiérarchie sociale dans laquelle chacun avait sa place attitrée selon sa “vertu”.  Il suggère trois classes – ou plutôt castes dans lesquelles la naissance détermine l’appartenance – ; les dirigeants, les soldats et les artisans.

Aristote va dans le même sens.  Les « vertueux » de descendance, les nobles,  sont appelés à gouverner tandis que les non-vertueux, esclaves et paysans, sont condamnés à la soumission ainsi que leur progéniture.

De même, au Moyen Âge, selon le grand penseur scolastique Augustin, les individus ne sont pas égaux – ce qui se veut antinomique pour une religion chrétienne valorisant le partage et l’équité parmi les hommes.

Pour Saint Augustin, tout pouvoir est tributaire du divin, particulièrement celui du dirigeant.  L’authentique chrétien ne se soumet pas seulement à ses dirigeants, il se doit de les aimer, même s’ils s’avèrent être des tyrans, car en les aimants, c’est Dieu qu’il vénère.

À notre époque, malgré les pieuses prétentions démocratiques et de respect des droits de l’homme, le même schème de pensée habite la nouvelle classe dirigeante, les mercantilistes.

On peut le constater avec les bonis octroyés aux PDG des banques et des multinationales, malgré leurs états financiers désastreux.  Ceux-ci sont au-delà de la vile plèbe.  On les gratifie de leur incompétence en les engraissants encore plus en toute impunité pendant que le peuple doit se serrer la ceinture et voir les protections sociales de base amputées de plus en plus, chaque jour, avec des mesures d’austérité épargnant les plus nantis.

Pourrons-nous briser ce cercle vicieux historique?  Certains le pensent en occupant les temples de la finance et du capitalisme…

De l’évolution des sociétés humaines

Depuis l’antiquité, penseurs et philosophes ont cogité sur la mécanique de l’évolution des sociétés avec des théories plus ou moins hétéroclites.

Néanmoins, dans tout ce capharnaüm idéologique,  nous pouvons distinguer deux groupes distincts opposés par leurs paradigmes particuliers.

Le premier énonce le caractère cyclique ou circulaire du parcours des communautés humaines tandis que le second se campe dans une vision linéaire ou évolutive de la course des sociétés.

Ainsi, dans la première tendance, Platon élabore un mouvement circulaire des États (l’aristocratie, la timocratie, l’oligarchie, la démocratie et la tyrannie) pendant que Vico, penseur italien du  18e siècle, insiste sur des cycles historiques se répétant sans cesse : l’âge divin, où règne la pensée magique et prérationnelle; l’âge héroïque ou ère féodale; et enfin l’âge humain dans lequel prédomine la raison et le contrôle du milieu.

De l’autre côté, Hegel et Marx donne le ton à l’évolutionnisme historique malgré leur opposition dichotomique.

Hegel, qu’Alain surnomme « l’Aristote des temps modernes », pense avec sa dialectique historique que l’Histoire est rationnelle et conduit systématiquement à l’avènement de la société parfaite sous l’égide de Dieu.

Au contraire, Marx, bien qu’il souscrit à la même logique dialectique, quoi que inversée, souligne que la volonté divine est absente du cheminement historique et que seule la réalité matérielle, c’est-à-dire les conditions économiques des hommes, d’où la lutte des classes, est le véritable moteur de changement pouvant amener une société juste et équitable concrétisant alors la « fin de l’Histoire » – un concept d’ailleurs emprunté à Hegel.

Difficile de dégager une synthèse de toutes ces théories.  Mais essayons tout de même.

Certes, les cycles dans le mouvement de l’Histoire sont récurrents.  La prédominance du rationalisme à l’époque antique, particulièrement hellénique et romaine, qui a cédé la place à une période obscurantiste que fut le Moyen-âge pour ensuite revenir aux Lumières, en est la preuve.

Cependant, au final, l’évolution positive de l’Histoire laisse aussi des traces : l’esclavage, très répandu dans l’antiquité, a pratiquement disparu à l’ère contemporaine et l’analphabétisme caractérisant le Moyen-âge a reculé foncièrement partout en Occident depuis quelques siècles.

Disons simplement que l’Histoire progresse, mais cycliquement…

De la corruption

Des anciens écrits plein de sagesse concernant les dirigeants politiques… et la corruption.

« Aussitôt qu’ils posséderont individuellement une terre leur appartenant en propre, des maisons, des pièces de monnaie, alors, au lieu d’être gardiens, ils seront administrateurs de leur bien et propriétaires fonciers; ils deviendront des maîtres détestés au lieu de rester des alliés pour les autres citoyens, haïssant d’ailleurs aussi bien que haïs; fauteurs et victimes de complots, ils passeront ainsi toute leur existence, craignant plus souvent, et davantage, les ennemis du dedans que ceux du dehors, emportés alors dans une course qui déjà les mène, eux et l’État tout entier, tout au bord de la ruine.» 

Platon (La République, III, 417 a et b.)